JACQUES DE LESDAIN …ITINÉRAIRE(S) D’UN COLLABORATEUR (Première partie: 1880-1910: LE DIPLOMATE, L’EXPLORATEUR ET LE VOYAGEUR)

         Article mis à jour et complété le 21 novembre 2022

Jean-Paul Perrin

Contact: perrinjp@sfr.fr

  

Jacques de Lesdain, jeune attaché d'ambassade (1904)• De Jacques de Lesdain, on connaît essentiellement son activité sous l’Occupation, notamment à L’Illustration, où son titre de  « Rédacteur politique »  apparaît à la une de l’hebdomadaire, entre octobre 1940 et août  1944. On connaît aussi ses  longs articles dans lesquels, durant ces quatre années, il distille sa pensée en louant les « bienfaits » de la collaboration dans une « Europe nouvelle »…Mais sur sa vie antérieure, on sait moins de choses…Or elle ne se  révèle pas moins intéressante pour l’historien. Diplomate, explorateur, auteur d’exploits automobiles, homme d’affaires, sont autant de facettes du personnage qui s’ajoutent à l’activité politique et journalistique.  Tout aussi étonnant apparaît son devenir, après sa fuite de Paris, en août 1944, et son passage par Sigmaringen.

• Il lui reste alors plus d’une trentaine d’années à  vivre. Trois décennies, là encore, qui ne laissent pas de surprendre :  bien qu’il soit sous le coup d’une condamnation à mort par contumace, prononcée en 1950, il travaille notamment pour l’ambassade de France, à Rome. C’est donc l’itinéraire ou les itinéraires étonnants  d’un collaborateur que cet article se propose de tenter de retracer. Tenter, seulement, car il reste encore bien des zones d’ombre dans ce long parcours…                                     

•  Cette version entièrement remaniée de la biographie de Jacques de Lesdain présente nombre d’informations nouvelles  par rapport aux précédentes versions, ainsi que des précisions et  corrections. Elle n’a été possible que grâce aux précieux éléments   fournis par M. Renaud Bouly de Lesdain. Elle ne prétend toutefois pas encore à l’exhaustivité. Toutes les informations complémentaires et les correctifs éventuels seront donc les bienvenus.                                       

• Enfin, pour des raisons d’ordre  technique,  l’article  a été scindé en six chapitres  que l’on retrouvera par ailleurs sur ce blog, avec l’appareil des notes correspondantes.  

◘  I – DIPLOMATE,  EXPLORATEUR  ET  VOYAGEUR (1880-1910)

◘ II – DE LA DIPLOMATIE AU JOURNALISME (1910-1939)

◘ III – « RÉDACTEUR POLITIQUE » À L’ILLUSTRATION  (AOÛT 1940 – AOÛT 1944)

◘ IV – UN PERSONNAGE OMNIPRÉSENT  SUR LA SCÊNE DE LA COLLABORATION

◘ V – DE PARIS À SIGMARINGEN   (AOÛT 1944 –AVRIL 1945)

◘ VI – L’ ÉTONNANT ITINÉRAIRE  D’ UN CONDAMNÉ À MORT (AVRIL 1945-1976)

 

© Jean-Paul Perrin

 

I – DIPLOMATE,  EXPLORATEUR 

ET  VOYAGEUR (1880-1910) 

 

A- NÉ DANS UNE « UNE FAMILLE D’ARISTOCRATES   D’ORIGINE FLAMANDE »

• Jacques Gustave Joseph Bouly de Lesdain a vu le jour à Dunkerque, au 36 de la rue Emmery, le 4 octobre 1880, dans une famille d’aristocrates d’origine flamande. Selon le Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXème siècle, publié en 1907, « la famille Bouly, originaire de la petite ville de Condé-sur-Escaut, en Flandre, occupait dès le XVIIème siècle un rang honorable dans la bourgeoisie de sa région (…). Léopold François Joseph Bouly de Lesdain, seigneur de Lesdain en Cambrésis, et d’autres terres importantes (…) fut pourvu le 3 mai 1787 de l’office anoblissant de conseiller secrétaire du roi (…) par lettre patente du roi Louis XVI ».

Dunkerque vers 1900

◘ Dunkerque, au début du XXème siècle

• Sur ses titres de noblesse, Jacques de Lesdain lui-même a apporté quelques précisions: « J’ai droit au titre de comte comme descendant par les femmes de maréchal – comte de Loewendal, ami du Maréchal de Saxe et devenu favori à la cour de Louis XV. Le titre de Loewendal était transmissible par les femmes au cas où les descendantes n’auraient pas épousé des hommes titrés. Voici la descendance : Loewendal, marquis Turpin de Crissé, baron de Carondelet, Frémin du Sartel, Hamoir, Bouly de Lesdain. Quand je me destinais à la diplomatie, ma mère a pensé que ce titre pourrait m’être utile et elle l’a relevé après accord des Sceaux de Dresde ». (1).

Gaston Bouly de Lesdain_(père de JDL)
◘ Gaston Bouly de Lesdain (1850-1881), père de Jacques de Lesdain (© Collection privée  Gérard Coquelin)

• À l’aube des années 1880, le père de Jacques de Lesdain, Gaston Jacques Paulin Constant Bouly de Lesdain exerce la profession d’avocat, suivant les traces de son propre père. Né à Dunkerque, le 11 mai 1850, il s’est engagé  en 1870, au début de la guerre contre la Prusse,  bien qu’il fût  réformé, et il a servi dans la 7ème Légion du Nord. La tradition rapporte qu’il serait même  parti, un jour, à la tête d’une patrouille,  dans laquelle il était  le seul à savoir manier un fusil ! Dans la famille, on le décrit alors comme quelqu’un de “Joli, brun, frisé, (qui) inspirait la sympathie”. Dans les années 1870, il fréquente les salons et bals de la bonne société du nord. Selon Renaud de Lesdain, il est probable qu’il ait été ce « de Lesdain » énuméré parmi ses danseurs par Valentine Luce de Legorgue, grande bourgeoise de Douai. Née en 1854, elle deviendra Mme Ernest Camescasse et elle est l’auteure d’amusants souvenirs réunis  dans un livre publié par la librairie Plon en 1926, sous le titre Douai au XIXè siècle. Salons parlementaires du la Troisième république.

• Quelques années plus tard, le 2 juin 1879, Gaston de Lesdain a épousé, à Saultain (Nord), Pauline Marie Elisa  Hamoir (Saultain, 12 mars 1861- Nice, 3 avril 1934). Celle-ci est issue d’une famille d’industriels et de financiers, installés dans le Nord et en Belgique. Son propre père, Gustave Emile Hamoir (1819-1888) était ainsi ingénieur agronome, fabricant de sucre, administrateur des Hauts Fourneaux de Maubeuge et maire de Saultain. La France lui a décerné la Légion d’honneur tandis que la Belgique l’a distingué en lui attribuant l’ordre du roi Léopold.

FAIRE PART DECES PERE JDL
◘ Le faire-part de décès de Gaston Bouly de Lesdain (1881) (coll. J-P Perrin)

• Le mariage sera de  courte durée puisque, le 26 octobre 1881, Gaston de Lesdain  décède à Dunkerque, dans sa 32ème  année, des suites d’une maladie qu’il aurait contractée aux armées. À tout juste un an, Jacques de Lesdain se retrouve ainsi orphelin de père. Il est élevé par sa mère, qui préfère s’établir à Paris, où vivait sa propre famille, plutôt que de rester à Dunkerque.

Acte de décès de gaston de Lesdain (octobre 1881)

• C’est ce qui explique que Jacques de Lesdain, durant ses années de jeunesse,  n’ait eu pratiquement aucune relation avec sa famille paternelle. Dans la capitale, la comtesse de Lesdain participe à la vie mondaine au sein de la bonne société parisienne : «  Soirée dansante très animée, samedi, chez madame de Lesdain, dans ses jolis salons de l’avenue Kléber », peut-on lire dans le journal Le Gaulois daté du lundi 20 mars 1899. Le quotidien donne ensuite la liste des invités, des danseurs et des « habits noirs », soit pas moins d’une centaine de noms,  avant d’ajouter : « Le cotillon conduit avec beaucoup d’entrain par la baronne de Montallé et M. Jacques de Lesdain, a été suivi d’un souper par petites tables ».

• Pendant la seconde guerre mondiale, devenu « rédacteur politique »  à L’Illustration, Jacques de Lesdain aura l’occasion de revenir sur  ses origines, au détour d’un article publié le 22 novembre 1941 : «J’ai connu, dès mon enfance, ce qu’étaient les fameuses coutumes, au sens légal du mot, car c’est un de mes ancêtres,  Jean de Carondelet dont un des fils fut chancelier de Charles Quint qui, à la fin du XVème siècle, rédigea les  «  Coutumes de Bourgogne ». C’est ainsi que j’ai eu, très jeune, l’occasion de constater les relations  étroites que  la réaction construit entre le rétablissement des coutumes ainsi que des provinces et le retour du roi (…).Il est certain, ajoutait-il,  que je suis né et que j’ai été élevé dans un milieu réactionnaire. Mais il n’est pas moins évident que je m’en suis évadé avec une célérité peu commune et que mes convictions actuelles sont le fruit d’un contact avec tous les genres d’hommes et tous les genres d’idées, réalisé au cours de 28 ans de voyages de par le monde, dont 3 d’explorations, pendant lesquels j’ai étudié tout aussi bien les milieux diplomatiques que ceux des plus humbles conditions. Mes croyances politiques actuelles sont claires et nettes. Elles se résument ainsi : je suis l’ennemi juré de l’hypocrisie religieuse, de l’hypocrisie politique et de l’hypocrisie sociale ».

• Après avoir terminé ses études secondaires chez les Jésuites,   Jacques de Lesdain se tourne vers le Droit et les Sciences politiques, dans le prolongement de la tradition familiale. A la charnière des XIXème et XXème siècles, il ne cache pas son attrait pour le débat politique : «Je suis devenu socialiste à vingt ans, probablement par opposition à mon propre milieu. J’ai fait partie, très jeune, de la Conférence Molé – Tocqueville. C’était une assemblée d’une cinquantaine de futurs avocats ou hommes politiques. Nous nous réunissions tous les vendredis soirs  dans les locaux de l’ancienne Académie de Médecine dont l’amphithéâtre était disposé comme la Chambre. Nous reprenions les thèmes discutés au Parlement. Nous allions de l’extrême droite à l’extrême gauche (…) et je siégeais à gauche d’Henri de Jouvenel. J’ai été secrétaire de la conférence  Molé Tocqueville  jusqu’à mon départ pour la Chine ». (2)

école libre des sciences politiques
◘ L‘amphithéâtre de l’École libre des Sciences politiques

• Le 18 décembre 1900, devant les autres élèves de l’Ecole libre des Sciences politiques, il prononce ce qui constitue sans doute sa toute première conférence, dont le texte de 39 pages sera publié l’année suivante par la librairie Larose, à Paris. Elle porte  sur le Protectorat français des missions et l’Allemagne et il ne cache pas son sentiment anti-allemand: « Ce qui fut vrai en 1870, déclare-t-il, l’est encore plus aujourd’hui: l’Allemagne nous menace toujours »…Une « erreur de jeunesse » que ne manquera pas de lui rappeler, sous l’Occupation, Henri Labroue, qui est alors en concurrence avec lui pour la direction de l’Institut d’études aux  questions juives…Autre époque…

B- PREMIÈRES EXPLORATIONS

EN MONGOLIE (1902)

• Diplômé en Droit (3),  après l’obtention d’une maîtrise en novembre 1901, son itinéraire semble tout tracé. Pourtant,  Jacques de Lesdain choisit de s’écarter de la tradition familiale en optant pour la diplomatie. Il n’y fera toutefois pas carrière, faute de moyens financiers suffisants. Il semble qu’en  l’absence d’une gestion prudente, la fortune familiale ait été quelque peu distraite, suite à des placements hasardeux en Bourse : « Ma mère (…), le jour de mes 21 ans, m’a tout simplement remis un bout de papier sur lequel étaient inscrits quelques chiffres et un total de 91.000 francs.  (4)J’étais  peu près ruiné et incapable de suivre la carrière diplomatique. A cette époque, un attaché d’ambassade dépensait 25.000 francs par an. Je n’aurais pu me maintenir qu’à l’aide d’un très riche mariage, impossible tant que je n’avais pas un grade assuré »…. (5) En 1902, Jacques de Lesdain   se  retrouve ainsi  attaché d’ambassade stagiaire  à la  légation de France à Pékin, où il occupe  seulement le poste de troisième secrétaire.

Légation de france à Pékin
◘ Entrée de la légation de France à Pékin, vers 1900

Un an auparavant, s’est achevé le soulèvement des Boxers, la révolte menée par une société secrète, dite des Poings de la justice et de la concorde, en  réaction à la présence des puissances étrangères en Chine (novembre 1899 – septembre 1901). Son goût pour les voyages et l’aventure le pousse à entreprendre un premier périple de plus de 2.000 kmà travers le désert de Gobi : « A vingt deux ans, j’ai accompagné du Halgouët  dans la bordure de la Mongolie pour relever les désastres subis par les missions belges  lors (du soulèvement)  des Boxers. Je suis ensuite parti seul de Kalgan à Ourga (Oulan-Bator) à travers la Mongolie, puis en troïka, de Ourga à Irkoutsk. Rentré par le Transsibérien , revenu en Chine, j’ai été quelque temps à Shanghai, puis à Pékin », résume-t-il dans sa correspondance, soixante-dix ans plus tard. (6) Commencé le 15 juin 1902, le périple s’achèvera le 22 septembre.

Lesdain En Mongolie  Chalamel
◘ En Mongolie…premier récit de voyage de Jacques de Lesdain

• Dans L’Illustration datée du 22 novembre 1902, sous le titre « Un raid à travers le désert de Gobi », on en trouve une relation, accompagnée de deux dessins d’après photographie : «Il semble que, au moment de venir passer un congé en France, le comte Jacques de Lesdain ait voulu disputer aux vélocemen et aux chauffeurs le droit à l’appellation pittoresquement expressive de « buveur de routes » et cela par des moyens sommaires empruntés à une civilisation arriérée. En tout cas, le raid d’un nouveau genre  qu’il a effectué l’été dernier, dans des conditions exceptionnellement difficiles et avec une rare endurance constitue un exploit sportif qui mérite d’être signalé pour son originalité ». Parti de  Kalgan, à 350 km de Pékin, il a rallié en une semaine Ourga, « la ville sainte, dernière cité de la Mongolie » où il est parvenu le 24 août. Après avoir gagné  Kiakhta, il peut « annoncer à Pékin, par le télégraphe du consulat de Russie son étonnante  chevauchée au galop régulier de 18 heures par jour ». L’auteur de l’article, Dan Léon, ne cache pas son admiration devant un tel exploit, au point d’écrire en guise de conclusion: « Nous avons eu, en écoutant le récit de son voyage des visions d’un roman de Jules Verne. Cette fiction, de Moscou à Irkoutsk, n’est-elle pas dépassée par cette réalité : de Kalgan à Ourga ». Jacques de Lesdain surpassant Michel Strogoff !

OURGA
◘ Une des portes de la ville d’Ourga

• Il faut dire que l’aventurier a vu d’importants moyens mis à sa disposition pour emprunter le chemin réservé aux seuls courriers de l’empereur: « Grâce à l’obligeante intervention du gouverneur de Kalgan et à une autorisation de l’empereur, lui donnant le droit de réquisitionner hommes et chevaux (…), il avait pour compagnons  deux soldats chinois ».

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◘ L’équipage de Jacques de Lesdain, dans la traversée du désert mongol

• Deux voitures lui ont été attribuées, « l’une pour les voyageurs, l’autre pour les bagages et les vivres, attelées chacune  de six chevaux montés par des cavaliers. Ces véhicules, totalement dépourvus de confort, sont des sortes de carrioles, recouvertes de tôles et posées sur deux roues, très lourdes, bandées de fer dentelé (…). On partit à fond de train. Trente cavaliers suivaient au même galop, sans autres arrêt que ceux nécessités par le campement, la nuit en plein désert, que les haltes dans les villages mongols, pour organiser les relais, réquisitionner d’autres chevaux et d’autres hommes ». De quoi relativiser quelque peu, mais sans le nier,  l’exploit accompli par le jeune attaché d’ambassade. Le journaliste mentionne aussi la capture au lasso de chevaux sauvages et un Jacques de Lesdain  montant un des chevaux de l’escorte, après avoir été obligé  de quitter sa voiture disloquée et irréparable. Dan Léon précise enfin que « vers la fin du voyage, le manque de vivres le réduisit à manger de l’avoine mélangée à de la graisse de mouton ».

Le marché de Kalgan
◘ Le marché de Kalgan, tel que Jacques de Lesdain a pu le découvrir en 1902

• Dès 1903, le futur directeur politique de L’Illustration fera de ce « raid », le thème de son tout premier livre publié sous le titre  En Mongolie : 15 juin – 22 septembre 1902 (éditions A. Challamel, Librairie maritime et coloniale).  L’ouvrage est dédié à « Monsieur Paul Beau, officier de la légion d’honneur, ministre plénipotentiaire, gouverneur général de l’Indo-Chine ». Ce dernier, était arrivé à Pékin en mars 1901, avec le rang d’ambassadeur de France, et il y avait séjourné jusqu’en juillet 1902, date de son départ pour l’Indochine, afin d’y prendre le poste de gouverneur général. L’ouvrage est consultable intégralement sur le site BnF Gallica. Selon David Petitjean, auteur de Jacques de Lesdain, une approche biographique (7) ce premier opus n’aurait connu qu’une audience réduite. Quant à l’expédition elle-même, on en trouve quelques brefs comptes rendus, dont celui publié par le Figaro daté du 30 novembre 1902. L’article signé par  André Beaunier n’est d’ailleurs qu’une reprise de celui de Dan Léon.

C – VOYAGE AU TIBET, PAR LA MONGOLIE…

DE PÉKIN AUX INDES (1904-1905)

• Entre juillet  1904 et novembre 1905, soit pendant 17 mois,  Jacques de Lesdain saisi par le virus de l’exploration des contrées inconnues récidive, après avoir obtenu un congé de l’ambassade de France: « Le comte de Lesdain, attaché à la légation de France à Pékin, peut on lire dans La Justice, datée du 7 octobre 1904, ayant obtenu l’autorisation de se livrer à un voyage d’exploration scientifique, a pénétré dès le mois de juin dans l’Asie centrale. Il avait l’intention de parcourir les Ordos, le Kan-Sou, les lacs de Toli-Nor et du Lob-Nor, le Thibet et de gagner Calcutta en traversant l’Himalaya. Le jeune explorateur ne pourra être de retour en Europe avant la fin de 1905 », prévient le même journal. A la différence de la première expédition qui avait un caractère officiel, ce sera donc un voyage totalement privé, ce que confirme Jacques de Lesdain lui-même : « Mon goût des aventures m’a fait tout quitter pour mener à bien une expédition. Je voulais être le premier à passer du Nord au Sud à travers le Thibet, ce qui était réputé impossible. J’ai réussi. Après un voyage de dix-huit mois, je suis arrivé à Gantok, au Sikkim, puis à Darjeeling ».

Voyages Lesdain Carte Scottish geographical magazine 1908

•  Il semble qu’il ait eu également l’intention de retrouver le tombeau de Gengis Khan, qu’il situait à Ejin Horo. Comme celui de 1902, ce voyage va le conduire dans des contrées jusqu’alors  quasi-inexplorées et où l’homme blanc ne s’était guère aventuré. Jacques de Lesdain  en donnera le récit dans  un  deuxième  livre, Voyage au Thibet par la Mongolie : de Pékin aux Indes publié cette fois-ci par les vénérables éditions Plon et Nourrit en 1908, avant d’être  traduit en anglais.  L’ouvrage est également consultable sur le site BnF Gallica.

Lesdain Voyage au Thibet
◘ Voyage au Thibet, publié en 1908 par la libraririe Plon et Nourrit, avant d’être traduit en anglais

• Dans sa préface, Jacques de Lesdain revient longuement sur les difficultés auxquelles il a dû faire face : « Je me suis efforcé au cours de ce récit de donner une description sincère du genre de vie que l’on est appelé à subir lorsqu’on s’aventure  pendant des mois et même des années à des milliers de kilomètres de la civilisation. Je crains d’avoir parfois rencontré la monotonie ; mais l’existence des explorateurs est parfois monotone comme le sont d’ailleurs  les espaces infinis de l’Asie centrale. Je n’ai pas exagéré les fatigues ou  les privations endurées, ainsi que quelques écrivains qui décrivent la vie au Gobi et au Thibet, comme une lutte de chaque heure contre la mort. Là où une jeune femme de vingt ans a pu passer, il me semble que des hommes vigoureux auraient tort de se lamenter sans cesse. Nous eûmes, ma femme et moi, le bonheur d’être les premiers Européens qui franchirent du nord au sud le grand plateau thibétain, sans avoir été obligés de rebrousser chemin, en arrivant aux environs de Lhassa. Nous pûmes donc passer du Thibet aux Indes et accomplir ainsi un record que beaucoup d’explorateurs célèbres avaient tenté en vain. Nous étions cependant entourés de moins de précautions et d’apparat que  plusieurs de nos prédécesseurs et notre modeste caravane ne pouvait se faire craindre. Mais nous avions confiance en la vérité du vieil adage :  Fortuna audaces juvat ». En fait la caravane se composait de « trois voitures chinoises, espèce de chariots sans ressorts qui suffisaient amplement (aux) bagages ».

VOUYAGE THIBET (1)
▲ Images de l’expédition au Thibet, extraites du récit de Jacques de Lesdain, publié en 1908  ▼

6- Caravane de Lesdain 1902

• Presque quarante ans plus tard,  en se remémorant ces années d’exploration, Jacques de Lesdain écrira :«  Lorsqu’autrefois  je traversais le Tibet, du nord au sud, il m’arrivait d’apercevoir  à d’énormes distances les cimes glacées de chaînes de montagnes qui, d’est à ouest barraient la route. J’avais l’obligation de les franchir ou de mourir mais, entre elles et le pygmée que j’étais s’étendaient d’immenses espaces d’infinies solitudes que les quelques jours d’été avaient transformés en marécages. Vaincre ces obstacles naturels représentait un effort presque sans espoir. Englués dans la boue, épuisés, mes coolies et moi avancions cependant. Chaque lever de soleil nous retrouvait quelques kilomètres plus au sud. Et un jour a lui quand, du haut des derniers contreforts de l’Himalaya, j’ai vu s’étendre sous mes yeux les riches plaines de l’Inde. Alors, j’ai senti que l’épreuve avait pris fin et j’ai appris cette grande leçon qu’il n’est pour vaincre que de vouloir ».

11- JDL Thibet (Femina)
◘ Jacques de Lesdain, face à un « géant » thibétain (extrait de la revue Fémina – 15 septembre 1908). Au second plan, son épouse Mabel
14- JDL Thibet 1908 - Carvane
◘ Deux images de la caravane, sur le départ (extrait de la revue Fémina – 15 septembre 1908)

VOYAGE THIBET (2)

13- JDL (Femina 1908 bis)
◘ D’autres images de l’expédition publiées  dans la même revue

• A l’occasion de la parution de la première édition de son récit de voyage, prolongée par une conférence donnée devant les membres de la Société de géographie, diverses publications en donneront un compte-rendu.

LESDAIN Bull. Société géographie 15 janvier 1909
Bulletin de la Société de géographie (15 janvier 1909) (BnF Gallica)

• Dans son bulletin publié en 1909, la Société de géographie elle-même parle ainsi d’un « livre toujours pittoresque, mais écrit d’une plume alerte, souvent élégante (qui) plaît par son allure, tandis qu’on suit avec sympathie le couple audacieux et intrépide qui s’est aventuré dans un tel chaos ».

The Pittsburgh Press 15 août 1926
◘ Jacques de Lesdain et son épouse affrontant une révolte, les armes à la main …selon The Pittsburgh Presse (1er août 1926)

• La presse suisse se veut plus mesurée quant à l’apport réel d’un tel voyage: Le Journal de Genève, daté du 18 août 1908, reconnaît certes que « toutes ces contrées n’ont été visitées que par un petit nombre de voyageurs ». Mais c’est aussitôt pour ajouter : «On ne peut pas dire qu’en les parcourant le comte de Lesdain ait fait des découvertes importantes.(…) Il a rectifié ça et là quelques erreurs géographiques et cela n’est pas sans avoir de prix ».

JOURNAL DES DEBATS n° 344 12 décembre 1907
Le Journal des débats (12 décembre 1907) revient lui aussi sur la conférence donnée à la Société de géographie

• Ce qui apparaît clairement, c’est que le récit épouse l’air du temps qui ne doute guère que la  civilisation occidentale soit forcément supérieure à toute autre : « Jacques de Lesdain, écrit David Petitjeanémaille son récit de nombreuses comparaisons entre l’Europe et les contrées qu’il visite. Il n’est pas nécessaire d’insister sur le fait que les conclusions de ces dernières sont presque toujours favorables à son continent d’origine (…). Jacques de Lesdain s’inscrit tout logiquement dans la « pensée dominante » des voyageurs occidentaux parcourant le monde au début du XXème siècle. Mêlant la recherche du fameux pittoresque à des observations au caractère plus scientifique, ces deux premiers ouvrages se situent donc à la frontière entre « excursion de fin d’études » propre à la jeunesse  aristocratique depuis le « Grand Tour » et voyage savant ». (8)

• Incontestablement, ce long périple relève bien d’une certaine forme d’exploit et confirme le statut  d’explorateur et d’aventurier de Jacques de Lesdain, à cette époque de sa vie, même si, comme dans son premier voyage, il a pu disposer d’importants moyens matériels. Vingt ans plus tard, il sera à nouveau question de ce voyage mais, cette fois-ci,  devant les tribunaux et pour une toute autre raison. Ce que Jacques de Lesdain résume par la formule  « l’incident de Chabernoo (sic) » (9). Un « incident » qui renvoie à l’épisode « rocambolesque » de son premier mariage, auquel la presse, y compris les revues juridiques spécialisées, vont se faire largement l’écho. L’examen des faits débouche sur plusieurs versions, avec des questions essentielles : Jacques de Lesdain connaissait-il sa future épouse, Mabel Sommerville Bailey, avant d’entreprendre son exploration ? Ou bien, comme la presse l’a relaté ultérieurement, s’était-elle glissée, à son insu, parmi les membres de l’expédition, déguisée en homme? Le mariage contracté en cours du voyage est-il valable ?  Pour tenter d’y répondre, il convient d’examiner les versions en présence.

Mabel de Lesdain, née Bailey, Comtesse de Lesdain
Mabel de Lesdain (1885-1968), née Bailey, comtesse de Lesdain  (Frontispice extrait de Voyage au Thibet…)

• Âgée de dix-neuf ans, Mabel Sommerville Bailey (1885-1968) est issue d’une riche famille de Chicago, où son père John R. Bailey  occupait les fonctions de directeur d’une compagnie de chemins de fer américains. Comme Jacques de Lesdain, la jeune femme est férue d’exploration. Dans sa correspondance (10), il ne cache pas que Mabel Bailey n’était pas une inconnue pour lui : « A l’époque où  j’ai organisé une grande exploration, j’avais pour amie une Américaine, Mabel Sommerville Bailey. Elle m’a supplié de l’emmener avec moi et j’ai commis la grande sottise d’accepter. Seule excuse, j’avais vingt-trois ans et elle vingt et un.  Lorsque je suis arrivé à la mission belge de Chabernoo, les prêtres qui me connaissaient d’un précédent voyage et qui devaient me recruter ma première troupe et m’acheter des animaux ont refusé de m’aider, étant donné que je me trouvais dans une situation irrégulière. Je devais passer par une bénédiction nuptiale ou retourner. Retourner ? Je ne pouvais pas même l’imaginer. J’ai donc accepté,  à contrecœur,  une cérémonie qui n’avait de valeur ni civilement ni religieusement. Toutes les causes d’annulation y étaient. Manque de juridiction des prêtres sur moi, clandestinité totale. Le tout bâclé en 24 heures. Par la suite, les prêtres Hustin et Arken ont reçu de violents reproches de l’évêque de Pékin, Mgr Favier, de leur évêque, Van Aerstlar et de leurs supérieurs » (11).  Pour Jacques de Lesdain, et c’est ce que ses avocats plaideront devant les tribunaux, ce mariage n’avait donc aucune valeur légale et il ne s’y serait plié que pour éviter de remettre en cause son expédition.  

16- Comtesse de Lesdain (Femina)
Mabel de Lesdain, sur la muraille de Chine, lors du Voyage au Thibet (extrait de la revue Fémina)

 • Toute autre est la version que donnera Mabel Bailey devenue la comtesse Mabel de Lesdain,  dans un article publié par le Washington Herald,  daté du  22 mars 1914. A quelques mois de la Grande guerre, l’épouse délaissée se bat alors pour faire reconnaître la validité de son union, accusant même Jacques de Lesdain qui s’est depuis remarié avec l’Anglaise  Dora Brüning, de bigamie :   «   La comtesse, qui est une charmante petite dame,  a fait au correspondant du Herald un bref historique des événements qui ont conduit à la situation présente, peut-on lire : « Je me suis mariée avec le comte de Lesdain, à Pékin, en 1904, alors qu’il y occupait les fonctions d’attaché à l’ambassade de France. A cette époque, je faisais partie d’une organisation engagée dans une action de missionnaire. J’avais rencontré le comte, quelques mois auparavant au Japon. Après notre mariage, il obtint un congé de quatre  ans  des services diplomatiques français et nous commençâmes notre voyage de lune de miel, de Pékin en direction de l’Inde. Il dura environ 17 mois et il se déroula dans les conditions les plus aventureuses et les plus dangereuses. Nous voyagions le plus souvent à dos de mules ou de chameaux et, durant la plus grande partie du temps, je portais des vêtements d’homme ». (12) Comme on le voit, elle situe donc le mariage antérieurement au voyage qui n’aurait été qu’une sorte de « lune de miel », l’aventure en plus. Une affirmation que contredit le récit fait par  The Tyrone Daily Herald dans lequel on peut lire, le 18 août 1924 : « Le couple contracta mariage en juillet de la même année, la cérémonie se déroulant en présence de deux missionnaires belges, à Chambanor (sic) en Mongolie. La jeune mariée, par la suite, avait fait enregistrer le mariage dans les registres du consulat de France à Shanghaï et, enfin, à Dunkerque où le comte résidait ».

WASHINGTON HERALD
◘ The Washington Herald (22 mars 1914)

• La dernière version est celle qui sera reprise par la plupart des journaux, lorsque les tribunaux, deux décennies après,  auront à statuer sur la validité du mariage.  C’est déguisée en missionnaire que Mabel Bailey comptait traverser les contrées désertiques de la Mongolie. Ayant entendu parler de l’expédition que projetait Jacques de Lesdain, elle  aurait rejoint la caravane, habillée en homme : « Au cours de l’expédition, quelle ne fut pas la surprise du jeune explorateur de trouver, déguisée en homme, parmi le personnel de la caravane, une ravissante Américaine (…). Elle n’avait rien trouvé de mieux que de se travestir, nouvelle Mlle de Maupin, pour courir les aventures les plus extraordinaires », rapportait le journal L’Ouest-Eclair du 13 juillet 1926 (13).  Le subterfuge découvert, le diplomate – explorateur serait  tombé sous le charme de sa compagne de voyage et aurait décidé de l’épouser. C’est un missionnaire belge  qui se chargera de réaliser cette union, le 16 juillet 1904, à Chabernoor, au cœur de la Mongolie centrale. Une version qui paraît bien peu vraisemblable mais que la reprise dans de nombreux journaux a pu finir par  accréditer.

église de Chabernoor construite en 1904-1905
◘ L’église de Chabernoor, détruite par les Boxers, puis reconstruite en 1904-1905

• Dans un registre différente, sous la plume d’Hélène Avryl, la revue Fémina (15 septembre 1908)   consacre un article au périple accompli par la toute nouvelle comtesse de Lesdain. Intitulé Une Française dans les déserts du Thibet, il recèle plusieurs illustrations, dont l’une montre un Jacques de Lesdain coiffé d’un chapeau colonial, l’air martial faisant  face à un « géant » mongol. Ce cliché figurait déjà dans le livre mais il  a été retouché par la revue pour y faire apparaître  Mabel de Lesdain. Il en est de même pour une autre la montrant  assise sur la muraille de Chine.

◘ Ajoutons que dans son livre, Jacques de Lesdain ne fait mention à aucun moment de  la découverte du subterfuge qui aurait été utilisé par Mabel pour se glisser parmi les membres de la caravane, pas plus qu’il n’évoque la cérémonie du mariage. Le couple figure simplement  en frontispice de l’ouvrage, les deux portraits étant sobrement légendés «  Le comte et la comtesse de Lesdain ». Au fil des pages, lorsqu’il l’évoque, il parle de sa « femme » ou de sa « compagne de voyage ».

D- LE MARIAGE DE  CHABERNOOR,  

UN VRAI CAS D’ÉCOLE  POUR   JURISTES

• A l’issue de ce long voyage, le comte et la comtesse de Lesdain rallient  Darjeeling à la fin de 1905 et c’est là que le 25 février 1906 Mabel de Lesdain donne naissance à une fille.  Le 4 mars suivant,  elle sera baptisée Ora Pauline (14). Le couple est alors domicilié à Bombay mais les liens se distendent très vite : « Mon mari s’intéressait alors beaucoup à l’exploitation des mines de manganèse, en Inde,  et au mois de mai suivant, je me rendis en Amérique  pour rendre visite à ma mère qui vivait alors à la Nouvelle Orléans » (15). A la date du 15 juin 1906, les registres du port de New York mentionnent effectivement l’arrivée à  New York Ellis Island, par le bateau Cretic, de Mabel de Lesdain (21 ans, résidant à Bombay), accompagnée de sa fille Ora de Lesdain (2 mois) en provenance du port de Naples.  « En raison de ses affaires, poursuit Mabel de Lesdain,  le comte ne m’accompagna pas. Après quatre mois passés en Amérique, je retournai en Inde pour y rejoindre le Comte de Lesdain. Nous y restâmes jusqu’en août 1907, date à laquelle le comte et moi, nous nous rendîmes à Paris pour rendre visite à des membres de sa famille. Nous restâmes à Paris jusqu’au mois de décembre suivant (1907). A ce moment, je retournai aux Etats-Unis, tandis qu’il  se rendait en Amérique du sud pour des raisons liées à son intérêt pour les mines » (16).

• Sur cet épisode de sa vie, Jacques de Lesdain se contente d’écrire : « Mabel a eu une fille. Je l’ai envoyée à Chicago dans sa famille. J’ai fait un petit voyage à Sidney et je suis revenu à Goa chez un ami, le comte de Mayeu, qui m’avait invité à chasser sur ses vastes domaines J’ai découvert du manganèse. J’en ai fait débuter l’extraction et j’ai vendu ensuite mes droits à la grande firme parsee de Bombay, Tata. Puis je suis retourné en France. J’ai donné une conférence à la Société de Géographie  et j’ai renvoyé définitivement Mabel à sa famille qui me l’avait expédiée. Elle était impossible ». (17)

• Pendant quelque temps, le couple maintient des relations épistolaires : « Nous avons échangé une correspondance régulièrement, durant 6 ou 7 mois, confiait Mabel de Lesdain en 1914 à un quotidien américain (18). Ensuite, il a cessé de m’écrire et je n’ai plus eu de nouvelles de lui jusqu’en 1911, lorsque j’ai appris qu’il se trouvait à Paris. Je suis immédiatement retourné en Europe et je l’ai rencontré à Londres. C’est à ce moment qu’il m’a appris, à ma grande surprise et horreur, qu’il s’était remarié. Je lui ai demandé comment il pouvait en être ainsi, dans la mesure où il m’avait épousée. Il me répondit que notre mariage n’était pas réellement un mariage et que je n’en avais aucune preuve. C’était malheureusement vrai car,  bien que notre mariage se soit déroulé à la légation de France à Pékin, mon époux  avait récupéré le certificat de mariage que je n’ai jamais plus revu. Il s’est moqué de moi et de mon chagrin. J’étais déterminée à obtenir une copie du certificat de mariage et j’ai écrit au représentant de la France à Pékin dans ce but. Bien que j’aie renouvelé ma demande à plusieurs reprises, mes lettres sont restées sans réponse. J’ai ensuite compris que mon époux avait usé de son influence auprès du personnel de la légation pour qu’on ne réponde pas à mes lettres. Bien décidée à obtenir la preuve de mon mariage, je me suis rendue à Pékin, il y a quelques mois (…). C’était bien ce que j’avais craint. Mon époux avait persuadé le ministre français à Pékin de ne pas m’envoyer la copie du certificat, mais quand je suis arrivée sur place, il a immédiatement changé de ton ». Devant le journaliste du Washington Herald, elle peut exhiber une copie de son certificat de mariage, signé par l’ambassadeur de France à Pékin. Il  atteste que « Jacques Gustave Joseph Bouly de Lesdain, comte héréditaire du saint Empire roman germanique, de la légation française de Pékin, était bel et bien marié, selon les lois françaises et dans le respect des préceptes de l’église catholique romaine, avec Mabel Carmenita Nettie Bailey ». En plus de ce document, la comtesse dispose du certificat de naissance de sa fille, sur lequel le comte est mentionné comme étant le père. Le plus extraordinaire dans cette histoire est que la Comtesse a montré, cette semaine, les preuves de son mariage avec le comte, aux parents de Mademoiselle Brüning, le « seconde épouse » du comte ».

• De retour en Europe, Mabel de Lesdain se rend immédiatement à Londres où réside alors Jacques de Lesdain. Faute de conciliation, elle compte engager une procédure judiciaire contre lui : « La nature exacte de la procédure  qu’elle compte ouvrir à Paris n’a pas encore été arrêtée par la comtesse mais, selon cette dernière,  elle sera centrée sur le fait  que son époux  est devenu bigame en épousant Mademoiselle Brüning,  la fille d’une famille londonienne bien connue » (19).

Kensington

• Mabel de Lesdain croit alors pouvoir compter sur l’appui de sa belle-mère, Pauline de Lesdain. D’ailleurs, cette dernière ne  lui avait-elle pas écrit, le 9 mai 1910 :  « Ma chère Mabel, je pense toujours à vous et à la chère petite Pauline, et je vous aime bien toutes les deux (…). Je vous envoie comme vous le désirez  le certificat de naissance de Baby. Quant à votre certificat de mariage, je suis désolée de ne pouvoir vous l’envoyer, mais je ne l’ai pas. Jacques en a un avec lui et vous vous souvenez que l’autre avait été envoyé à Pékin par les soins d’un avocat pour  être légalisé. Or Pékin n’a jamais voulu rendre ce certificat (…). Je vais encore le réclamer ».

• Quelques mois plus tard, dans une autre missive datée du 7 octobre 1910,  elle semble toujours compatir  aux déboires conjugaux de sa belle-fille : « Ma chère Mabel, lui écrit-elle, je vous aime bien et vous plains beaucoup et je vous assure que, si j’avais de l’argent, les choses se passeraient autrement (…). Je trouve, comme vous, que Jacques doit payer quelque chose pour son enfant (…). Malheureusement, ainsi que je vous l’ai dit, il me fuit parce que je lui ai fait des reproches de vous abandonner ainsi que Baby (…). Vous le savez, il n’est pas méchant mais, ajoute-t-elle, pour le moment il est dominé par une femme avare à laquelle il obéit et tout le mal vient de là ».  La correspondance entre les deux femmes devait cesser au cours de l’année 1911. Cette « femme avare » à laquelle elle fait référence n’est autre que Dora Agnès H. Brüning (1885-1930), une Anglaise   qu’il a épousée, entre temps, en avril 1910,  et qui lui donnera une seconde fille prénommée Nadine, née le 3 juin 1911.

Acte naissance Nadine Bouly de Lesdain (3)
Acte de naissance de Nadine Bouly de Lesdain (1911-2008), fille de Jacques de Lesdain et de Dora Brüning (Collection J-P Perrin)

• Encore quelques années et la mère de Jacques de Lesdain finira par se ranger aux côtés de son fils. Le 3 décembre 1918, elle s’associe à ce dernier qui vient de saisir le tribunal civil de la Seine pour faire déclarer sans valeur légale la cérémonie religieuse du 16 juillet 1904, « ou tout au moins, (que) si elle était considérée comme méritant le nom de mariage (que) ce mariage fût annulé pour clandestinité ». Six ans plus tard, le 10 juillet 1924, un jugement stipulera que « aucun lien matrimonial n’existait entre Jacques de Lesdain et  Mabel Bailey »…Le tribunal s’est rendu aux arguments de Jacques de Lesdain et de son avocat Me Gautrat, évoquant « un mariage entaché  du double vice de clandestinité et de défaut de consentement des parents », Mabel Bailey étant alors mineure. En outre, l’union aurait dû être célébrée au consulat de France. Quant à  la transcription faite au consulat de Shanghaï puis à la mairie de Dunkerque, après la naissance de Pauline, elle est jugée  sans valeur, « les deux missionnaires n’ayant aucune qualité pour procéder à un mariage ».De fait, comme l’écrit Le Petit Parisien dans son édition du 20 juillet 1924, « le tribunal s’est vu forcé  de décider qu’il n’avait même pas à conclure si le mariage de M. de Lesdain était ou non valable, puisqu’il n’avait jamais existé ». Un argument que conteste immédiatement l’épouse délaissée. Elle  décide donc de faire appel afin d’obtenir le rejet de l’action intentée par son époux, tout en demandant à bénéficier « ainsi que l’enfant née de son union (…) des dispositions  du code civil sur les mariages putatifs ».

• Ce n’est qu’en avril 1926, que le tribunal finira par statuer. D’un côté, le mariage célébré à Chabernoor  par les missionnaires belges est certes déclaré « sans valeur ». Mais, de l’autre, les magistrats considèrent que  « ce mariage contracté de bonne foi par l’épouse produira ses effets civils tant au profit de Mabel Bailey que de l’enfant Pauline, issue de cette union ». Le jugement peut désormais faire jurisprudence « apportant une rare et précieuse contribution à la connaissance du droit mongol ».

PETIT PARISIEN  DIVORCE JDL  9 JUILLET 1926
Le Petit Parisien (juillet 1926) (BnF Gallica)

•La presse française reviendra sur cette décision juridique. On en trouve des échos dans Le Figaro ou dans L’Ouest-Eclair, qui parle  d’un « Roman d’amour au désert de Gobi ». La presse étrangère n’est pas en reste. Le Times daté du 19 juillet 1926 en fait le récit, tout en ajoutant  avec une pointe d’ironie, que le dit mariage aurait pu être valable, s’il avait été célébré  selon les coutumes du pays de résidence. Le quotidien britannique, précise même que la coutume mongole impose que le prétendant capture sa future  épouse sur son cheval au galop ou qu’il l’achète à sa belle famille pour le prix de 10 brebis, là où deux ans plus tôt, Le Petit Parisien avait fixé le tarif à « cinq chameaux pour une jeune fille » et cinquante  pour une veuve ! Ce que Jacques de Lesdain n‘aurait apparemment pas fait…(20)

JOURNAL 1924 DE LESDAIN
◘ Une affaire qui a des des répercussions jusque dans la presse étrangère (1924)

• Revenant sur cet épisode de sa vie, Jacques de Lesdain se hasarde à donner une explication à la lenteur de la procédure, y voyant l’influence de la franc-maçonnerie : «Je n’avais naturellement pas admis la cérémonie de Chabernoo (sic) et mon avocat, Gautrat, l’ a fait annuler après des années car Mabel avait pour père un 33ème degré maçon qui a tout mis en œuvre pour qu’on ne puisse jamais délivrer la citation, le jugement … Finalement, Gautrat a obtenu l’annulation et Ora a été  déclarée fille putative donc légitime. Cette affaire, unique en son genre, a fait autrefois du bruit au Palais ».(21) Mabel de Lesdain pourra  conserver durant toute sa vie, le titre de Comtesse de Lesdain. On trouvera en annexe de cet article, le texte intégral de la décision de la cour d’appel de Paris, en date du 24 avril 1926, mettant un point définitif à ce long épisode juridique.

•  Mabel Bailey partagera désormais sa vie entre sa famille américaine de Chicago et  Londres où elle s’ installe dans le quartier de Paddington.  Selon les annuaires téléphoniques, elle résidait au 5th Alexander Street. C’est dans cette ville qu’elle est décédée en janvier 1968 :  « La comtesse de Lesdain  est décédée à Londres, à l’âge de 81 ans. Elle était une des rares femmes membres de la Société de géographie royale, où elle avait été admise en reconnaissance du voyage qu’elle avait accompli avec son époux, à travers les contrées inexplorées des déserts des Ordos et de Gobi en 1904-1905, et pour avoir été une des premières Européennes à traverser le Tibet, du nord au sud ». C’est ainsi que  The Chicago Tribune du 31 janvier 1968 annonçait sa disparition.

Décès de mabel de Lesdain (1968)
◘  Décès de  Mabel de Lesdain    (The Chicago Tribune, 31 janvier 1968)

E – EXPLOITS AUTOMOBILES  AU BRÉSIL, 

ENTRE RIO ET SAO PAULO (1908)

• En mars 1908, quatre ans après son escapade tibétaine,  Jacques de Lesdain est en Amérique du sud, après, semble-t-il, un passage par le continent africain où il aurait traversé quelques contrées inhospitalières au volant de son  automobile. Le journal brésilien Correio Paulistano, daté du 20 février 1908, mentionne, outre les périples tibétain et africain,  des voyages en Australie et en Amérique du nord. Le 5 juin 1943, en annonçant une conférence que doit donner à Lille Jacques de Lesdain, “diplomate, journaliste, globe trotter”, le journal Le Nord maritime écrit: “Rentré à Paris juste à temps  pour rendre compte à la Société de géographie de ses deux premières explorations, il part pour l’Amérique du sud qu’il visite de long en large…  On n’en saura toutefois pas plus mais c’est assez pour lui forger l’image d’un aventurier, lorsqu’il arrive à Rio de Janeiro, au Brésil, en quête de nouveaux exploits. Dans sa correspondance, il dit être « parti au Brésil pour représenter les autos Brazier » (22).

BRASIER Publicité

• Sur place, plusieurs projets vont s’enchaîner.  Il comptait initialement  s’en tenir à l’ascension automobile du célèbre Mont Corcovado, en suivant les rails du funiculaire. Après la voie menant à son sommet, construite en 1824, la ligne de chemin de fer, déroulant ses 3,8 km au départ de la gare de Cosme Velho, avait été inaugurée le 9 octobre 1884 par l’empereur Pierre II du Brésil. Pour ce faire, il dispose d’une Brasier 16 HP de 26 CV flambant neuve, fournie par le constructeur qui mise sur les compétitions et les exploits automobiles pour asseoir sa réputation.

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◘ Le Corcovado, à l’époque où  Jacques de Lesdain en entreprend l’ascension
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◘ En suivant la voie du tramway, entre les précipices... Jacques de Lesdain et son équipage en cours d’ascension

J de LESDAIN Ascension du Corcovado

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◘ Jacques de Lesdain, devant son automobile Brasier, pendant l’ascension du Corcovado

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◘ Des pentes jusqu’à 33%, à certains endroits, selon la presse
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◘ Une Brasier 16 HP 20 , un modèle proche de celui utilisé par Jacques de Lesdain

• Précédé de sa renommée d’aventurier, Jacques de Lesdain  ne peut qu’attirer l’attention de quelques riches habitants de Rio, parmi lesquels figurent les fondateurs de l’Automobile Club  du Brésil, né un an plus tôt. Avec leur appui, il rassemble suffisamment d’informations pour entreprendre un raid autrement plus audacieux que son projet initial : parcourir les 700 kilomètres  qui séparent Rio de Sao Paulo, les deux plus importantes villes du pays. Epaulé par  Henri Trotel, Gaston Conte et Albert Vivès, trois pilotes automobiles français « mécaniciens dévoués et vaillants »  qui  parlent couramment le portugais, il se lance dans l’aventure, le 7 mars. Si le premier jour se déroule sans encombres, il n’en est pas de même des suivants : les quatre aventuriers perdent d’abord  leur chemin entre Bananal et Mendes. Ils ne devront leur salut qu’à l’intervention du  major Luis Barbosa da Silva, un  important propriétaire terrien, doublé d’un chef politique régional. Non seulement il les remet sur le bon chemin, mais il insiste pour les accompagner jusqu’à Sao Paulo. Ce coup de main s’avérera des plus précieux pour la réussite de l’épopée.

Extrait de L"Etoile du sud (15 mars 1908), hebdomadaire publié à Rio de janeiro
◘ Extrait de L’Étoile du sud (15 mars 1908), hebdomadaire publié en français  à Rio de Janeiro

• Trente quatre jours à traverser des zones envahies par la boue, dans lesquelles la voiture s’enfonce de près d’un mètre, et à dormir à la belle étoile. Les cinq hommes doivent  affronter  des situations les plus inattendues. C’est ainsi que, près d’Itaquahy, ils doivent délaisser le chemin impraticable pour suivre la voie ferrée abandonnée sur laquelle « la voiture ne peut avancer que bien lentement et au prix de quelles secousses » lit-on ans Le Matin du 31 mai 1908. Les mêmes n’hésitent pas, si l’on en croit l’article, à bâtir un pont de fortune pour que le véhicule puisse franchir un ravin, à proximité d’Ypirangua, ce qui « permet de juger l’esprit d’initiative et la sang-froid du hardi voyageur », note le même quotidien.

3- DE LESDAIN BRESIL  1908
◘ La presse brésilienne rend compte des exploits automobiles de Jacques de Lesdain (1908)

• Les cinq « gentlemen » finissent par rallier, le 9 avril, vers les 4 heures du soir,  Sao Paulo où on leur réserve un accueil digne de véritables héros. En rendant compte de cet exploit, Le Figaro écrira, le 4 juin 1908: « Le comte de Lesdain, l’explorateur hardi qui seul avec sa femme fit jadis la traversée du Thibet, vient d’accomplir à travers le Brésil un raid automobile prestigieux  (…) en  trente quatre jours d’un voyage prodigieux». Au passage le quotidien vante son « énergie physique et morale incomparable », face aux obstacles : « Absence de route, obligation à Ibaguabay de recourir à la voie ferrée, bourbiers, marécages entre Pizabi et Vargeia, ravins à Ypiranga  et nécessité (…) d’improviser un pont branlant qui s’écroula derrière la robuste Brazier, et arrivée enfin devant des acclamations délirantes à Sao-Paulo ».

J de LESDAIN Cruzeiro (2)

Le Matin, de son côté, titre sur un « raid sensationnel », avant de conter par le détail les exploits de Jacques de Lesdain et de ses équipiers. . Les Brésiliens, de leur côté,  seront fascinés autant par l’exploit que par la robuste Brasier exposée ensuite au Parque Antartica Stadium(23)

Lesdain Brésil I

Lesdain Brésil 2

Lesdain Brésil 3

Lesdain Brésil 4

“Un raid sensationnel”, selon le journal Le Matin

 Dans les salons de la bonne société locale, c’est le temps des honneurs pour Jacques de Lesdain. Au cours d’une réception,  il commet l’imprudence de dévoiler  ce qui pourrait être son prochain exploit : accomplir le tout premier trajet en automobile entre Sao Paulo et le Port de Santos, soit 63 kilomètres à parcourir à travers la montagne. Ce n’était évidemment pas le lieu pour faire une telle annonce, plusieurs des invités étant des adeptes enthousiastes de l’automobile, eux aussi en quête d’exploits.

2- DE LESDAIN BRESIL

◘ La foule rassemblée autour de l’automobile de Jacques de Lesdain, au Parque Antarctica Stadium

• Pour « sauver l’honneur des habitants de Sao Paulo »,  ses interlocuteurs décident  de se lancer dans l’aventure,  avant lui . Par sportivité, on invitera finalement Jacques de Lesdain à relever le défi, mais il décline la proposition. Pas question pour lui de partager leur gloire ! Afin de court-circuiter leur projet, il réussit en  deux jours à constituer un petit  groupe  composé de six personnes, dont le journaliste Mario Cardim et le mécanicien français  Malet. Le groupe  commence par  préparer une Sizaure-Naudin et une Motobloc. Il leur faudra  seulement 36 heures et demi pour rejoindre le port de Santos, dès le 17 avril. De ce qui constitue un véritable exploit. Les journaux parleront amplement et il ne fait guère de doute que cet exploit ait pu contribuer à l’essor de l’automobile au Brésil. Le Figaro s’en fera également l’écho, en soulignant un « exploit d’une égale témérité » et en rappelant que  «  Par un chemin fort étroit, à flanc de précipice et par endroit d’une pente de 33%, il escaladait le Corcavain (sic), mont abrupt et quasi inaccessible ».

• Avec l’appui du ministre de la justice brésilien, lui-même épris d’automobile,  l’Automobile club de Sao Paulo, décide alors d’organiser une course automobile : 75 kilomètres à parcourir, avec départ et arrivée au Parque Antartica Stadium. Une partie du parcours emprunte des voies en très mauvais état. Conçue  comme un raid automobile, la compétition prévoit des départs échelonnés de huit minutes en huit minutes. Jacques de Lesdain fait à nouveau partie des concurrents  qui ont été répartis en cinq catégories. Il figure, avec six autres pilotes,  dans le troisième groupe, celui des automobiles de 20 à 30 CV. Sa Brasier ayant été   endommagée  à la suite d’un accident survenu quelques jours avant le départ, il a pu emprunter une Herald.

• Jacques de Lesdain est donné favori, au point que le consul de France, Jacques Dupas, n’a pas hésité à faire venir tout spécialement un journaliste de l’Agence Havas pour couvrir l’épreuve. Il faudra cependant bien  vite déchanter : peu avant le départ, alors qu’il fait un écart pour éviter la foule assemblée à proximité du Parque Antartica,  Jacques de Lesdain précipite sa voiture contre le mur d’entrée.  Impossible de trouver au dernier moment un véhicule de remplacement.

• Cet accident marquera la fin de son aventure sud-américaine, mais pas de sa passion pour l’automobile. C’est ainsi qu’en janvier 1928, Le Figaro mentionne la participation de Jacques de Lesdain au rallye de Monte-Carlo, au volant d’une Rocher-Schneider. Parti de Bucarest, il a pu rallier  Monte-Carlo, en plein hiver. Un siècle plus tard, le Brésil a gardé le souvenir du Français et, en 2008, on a fêté le centenaire de ses exploits.

>  LA  SUITE DE L’ARTICLE SUR CE BLOG…

II – DE LA DIPLOMATIE AU JOURNALISME (1910-1939)

ANNEXE

LA DÉCISION  DE  LA  COUR D’APPEL DE PARIS,
À PROPOS DU MARIAGE DE JACQUES DE LESDAIN

COUR D’APPEL DE PARIS – 1ère  chambre

24 avril 1926

Présidence de  M. TOURNON

La Cour,

Considérant qu’au cours d’un voyage d’exploration qu’il avait entrepris à travers la Mongolie et le Thibet, Jacques Bouly de Lesdain, alors âgé de 23 ans, a fait bénir, le 16 juillet 1904, par deux prêtres belges, missionnaires à Chabernoon (Mongolie centrale), l’union qu’il avait résolu de contracter avec la demoiselle Mabel Bailey, de nationalité américaine, sa compagne de voyage; qu’après quelque temps de vie commune, il s’est éloigné de ladite Mabel Bailey et de l’enfant qu’il avait eue de son union avec elle; que, par exploit, du 3 décembre 1918, il a concurremment avec sa mère, la veuve Gaston Bouly de Lesdain, saisi le tribunal civil de la Seine d’une demande tendant à ce que la cérémonie religieuse du 16 juillet 1904 fût déclarée sans valeur légale, ou tout au moins, si elle était considérée comme méritant le nom de mariage, à ce que ce mariage fut annulé pour clandestinité; que par jugement rendu le 10 juillet 1924, sur opposition à un jugement de défaut du 22 octobre 1919, le tribunal a prononcé qu’aucun lien matrimonial n’existait entre Jacques Bouly de Lesdain et Mabel Bailey; que cette dernière a régulièrement relevé appel du jugement, concluant au rejet de l’action intentée par Jacques Bouly de Lesdain et demandant subsidiairement à bénéficier, ainsi que l’enfant née de son union avec le susnommé, des dispositions des articles 201 et 202 du code civil, sur les mariages putatifs;

• Considérant que la faculté que la loi donne aux Français de contracter mariage à l’étranger devant les agents diplomatiques et consuls n’est pas exclusive de la faculté qu’ils ont toujours de procéder dans la forme voulue par la législation locale; qu’un Français et une Française ou un Français et une étrangère peuvent, en conséquence, contracter un mariage valable devant un prêtre si la loi du pays où ils procèdent ainsi admet la validité du mariage purement religieux; mais qu’en Mongolie, aucune cérémonie religieuse n’est pratiquée à l’occasion du mariage des habitants du pays; qu’ainsi la dame Mabel Bailey ne saurait se prévaloir de la règle locus regit actum pour faire attribuer un effet de droit à la bénédiction que les prêtres missionnaires de Chabernoon ont donnée à son union;

• Considérant, toutefois, que si, grâce à ses connaissances juridiques, Bouly de Lesdain pouvait savoir l’inefficacité de la cérémonie de Chabernoon, la dame Bailey n’a jamais considéré la cérémonie de Chabernoon comme un simulacre vide d’effet; que Jacques Bouly de Lesdain lui même l’a entretenue dans son erreur; qu’ainsi dans un volume qu’il publiait en 1908, sur son voyage à travers le Thibet, le jeune explorateur faisait reproduire, en première page, son portrait et celui de Mabel Bailey avec cette inscription au-dessous des deux images : “le comte et la comtesse de Lesdain”; qu’en maints passages de la relation de voyage ainsi publiée, il parlait de celle qui l’avait accompagné dans cette expédition, en la qualifiant “sa femme”; que pendant plusieurs années, Mabel Bailey a été traitée en épouse légitime de Jacques Bouly de Lesdain, tant par ce dernier que par la famille de ce dernier; que la dame veuve Gaston Bouly de Lesdain considérait si bien la dame Bailey comme la femme de son fils qu’elle lui envoyait par deux fois ses photographies avec ces inscriptions de sa main : “À ma petite Mabel, sa mère, comtesse de Lesdain”, et “À ma chère Mabel, sa mère dévouée, Pauline”; qu’une correspondance abondante et prolongée jusqu’en 1911 témoigne des sentiments d’affection de la comtesse de Lesdain mère à l’égard de Mabel Bailey, et aussi du caractère sérieux qu’elle attribuait au mariage de Chabernoon; qu’on lit notamment ce qui suit dans une lettre que la veuve Gaston Bouly de Lesdain adressait le 9 mai 1910 à sa bru : “Ma chère Mabel… je pense toujours à vous … et à la chère petite Pauline et je vous aime bien toutes les deux … je vous envoie, comme vous le désirez, le certificat de naissance de baby. Quant à votre certificat de mariage, je suis désolée de ne pouvoir vous l’envoyer, mais je ne l’ai pas, ma chère Mabel, Jacques en a un avec lui et vous vous souvenez que l’autre avait été envoyé à Pékin, par les soins d’un avocat, pour être légalisé. Or, Pékin n’ a jamais voulu rendre ce certificat … je vais encore le réclamer et je vous promets que si on me le rend, je vous le renverrai aussitôt …” ;  qu’on relève de même dans une autre lettre de la veuve Bouly de Lesdain mère, en date du 7 octobre 1910, les passages suivants : “Ma chère Mabel … je vous aime bien et je vous plains beaucoup et je vous assure que si j’avais de l’argent, les choses se passeraient autrement … je trouve comme vous que Jacques doit payer quelque chose pour son enfant … Malheureusement, ainsi que je vous l’ai dit, il me fuit parce que je lui ai fait des reproches de vous abandonner ainsi que baby … Vous le savez, il n’est pas méchant, mais pour le moment il est dominé par une femme avare à laquelle il obéit et tout le mal vient de là”;

• Considérant, d’ailleurs, que rien n’établit que Mabel Bailey ait accompagné Jacques Bouly de Lesdain dans des régions presque désertes avec le dessin préconçu d’y contracter mariage en faisant fraude à la loi; qu’il paraît, au contraire possible et même vraisemblable que l’idée d’une union légitime lui soit venue au cours de ce voyage périlleux de deux ans, alors qu’elle se trouvait, avec son compagnon, loin de toute ville où eût pu se rencontrer un consul habile à procéder à la célébration d’un mariage régulier; que le sérieux avec lequel Mabel Bailey considérait l’acte du 16 juillet 1904 est attesté par le soin avec lequel les formalités utiles ont été accomplies pour le dépôt à la légation de Pékin de l’un des certificats de mariage délivrés par les prêtres belges, dépôt qui a été effectué le 10 mai 1913 après visa de la pièce par M. Conty, représentant de la France en Chine; que tout en déclarant sans valeur le mariage célébré à Chabernoon par les missionnaires belges, il convient donc de décider, conformément à l’article 202 du code civil, que ce mariage contracté de bonne foi par l’épouse produira ses effets civils tant au profit de Mabel Bailey que de l’enfant Pauline issue de l’union;

Par ces motifs,

Confirme la décision entreprise en tant qu’elle a déclaré la cérémonie du 16 juillet 1904 non créatrice du lien matrimonial;

Dit, toutefois, que le mariage apparent contracté de bonne foi par Mabel Bailey produira les effets civils du mariage au profit de cette dernière et de l’enfant née de son union avec Jacques Bouly de Lesdain;

Condamne Jacques Bouly de Lesdain en tous les dépens de première instance et d’appel;

Rejette le surplus des conclusions des parties.

NOTES (1 à 23)

(1)Jacques de Lesdain par lui-même, extraits classés de lettres à un cousin, Rome, 1969-1974 (environ 50 pages, inédit). Entre  le 25 janvier 1969 et le 22 janvier 1976,  Renaud Bouly de Lesdain, alors jeune étudiant en droit,  a échangé une importante correspondance avec Jacques de Lesdain qui vivait alors à Rome : « C’est certainement parce que Jacques de Lesdain était un sujet “tabou” dans la famille que je me suis intéressé à sa vie. En 1969, j’ai demandé de ses nouvelles à l’ambassade de France à Rome et le consulat de cette ville m’a répondu qu’il avait informé directement Jacques de Lesdain de mon souhait d’entrer en contact avec lui. C’est comme cela que pendant cinq ans, Jacques de Lesdain m’a adressé des lettres ». Les ultimes  correspondances adressées depuis Rome portent les dates des 27 janvier 1975 et  22 janvier 1976. Il s’agit de deux brèves missives, écrites d’une main tremblante, dans lesquelles Jacques de Lesdain et son épouse adressent leurs vœux à leur jeune cousin. A partir de cette correspondance, Renaud Bouly de Lesdain a  pu tracer un portrait de Jacques de Lesdain, éclairant ici plusieurs zones d’ombre de sa vie, apportant là des chaînons manquants à son parcours. La nouvelle version de la biographie de Jacques de Lesdain  proposée sur ce blog lui  est largement redevable de ces informations. Je tenais à le remercier, d’abord pour m’avoir contacté et pour avoir mis à ma disposition des extraits de cette correspondance et, ensuite, pour m’avoir autorisé à les utiliser. Chaque extrait sera  mentionné ainsi : Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit).

(2)- Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit).

(3)- Si Jacques de Lesdain est diplômé en droit, il ne doit pas être confondu avec un autre membre de sa famille, portant les mêmes nom et prénom. Selon le site Généanet, cet homonyme, Jacques Bouly de Lesdain (1902-1989), était le fils de Maurice Bouly de Lesdain (1869-1968) et d’Antoinette Carpentier (née en 1879). Docteur en droit es sciences juridiques, il est l’auteur d’une thèse portant sur L’Histoire de la juridiction consulaire de Dunkerque (1700-1791). Soutenue devant la faculté de droit de Lille, elle a fait l’objet d’une publication en 1926. On en trouve un compte rendu dans la Revue des questions historiques (volume 107, année 1927, p. 169), consultable sur le site BnF Gallica. Dans la précédente version de cette biographie, j’avais moi-même attribué par erreur cette thèse à Jacques de Lesdain, objet de cette étude. Cette confusion se retrouve dans plusieurs articles qui lui ont été consacrés.

(4)– La somme de 91 000 francs représenterait tout de même un capital de 350 000 euros en 2013, selon le convertisseur disponible sur le site de l’INSEE. Le terme de « ruiné » apparaît donc quelque peu exagéré, même si la fortune familiale initiale semble avoir été nettement rognée.

(5)Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit).

(6) Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit).  Joseph de Poulpiquet du Halgouët, né le 23 novembre 1874, avait suivi un parcours identique à celui qu’empruntera  Jacques de Lesdain : licence en droit puis Sciences politiques. En 1899, il était devenu attaché d’ambassade et il avait pris son poste à Pékin, le 1er février 1901, avec le grade de secrétaire d’ambassade de 3ème classe. Son dossier conservé aux archives de la Légion d’honneur mentionne qu’il a été « chargé de mission en Mongolie de mai à septembre 1902 ». Par la suite, il a poursuivi sa carrière dans la diplomatie, occupant des postes d’attaché commercial notamment  auprès de l’ambassade de France  en Russie, en Grande Bretagne. Il était commandeur dans l’ordre de la légion d’honneur.

(7)- David Petitjean, Jacques de Lesdain, une approche biographique, des voyages d’exploration à la collaboration, mémoire de master 1, Université Pierre Mendès-France, Grenoble, 2011. Jean Baptiste Paul Beau, né en 1857 à Bordeaux, est décédé en 1926 à Paris. Il a fait carrière dans la diplomatie et il était commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur. On peut consulter la version numérisée de l’ouvrage En Mongolie...sur le site de la BnF

(8)- David Petitjean (ouvrage cité) note  que « cette dernière expédition vaut à Jacques de Lesdain d’être cité par Svetlana Gorshenina, historienne de l’Asie centrale, dans son Dictionnaire des explorateurs en Asie centrale : voyageurs et aventuriers, de Marco Polo à  Ella Maillart ». A son retour, Jacques de Lesdain a donné une conférence devant les membres de la Société de géographie que relate brièvement Le Journal des débats dans son édition du 12 décembre 1907 : « La Société de géographie s’est réunie hier pour entendre le Comte Jacques de Lesdain faire un  compte rendu de son voyage de Pékin à l’Inde anglaise par le pays des Ordos, l’Ala Chan et le Tibet oriental. Le voyageur a donné d’intéressants renseignements sur la première partie de son voyage, mais c’est surtout la traversée du Tibet qui a intéressé son auditoire. La passage sur la croûte saline des marais du Tsaïdam, puis en plein été le voyage à travers les plateaux boueux d’où sort le Yang Tseu ont été de rudes étapes. Après avoir reconnu les sources de ce fleuve, le comte de Lesdain a pu, grâce à la faiblesse de son escorte qui n’inquiétait pas les lamas (…) n’être pas obligé par les Tibétains à rebrousser chemin, comme tant d’autres voyageurs, après être arrivé dans la région du Tengri Nor ».  Comme on peut le constater on met en avant la qualité « de voyageur et d’explorateur » de Jacques de Lesdain, plus que celle d’aventurier. Ajoutons que la BnF conserve une lettre de Mme Pauline de Lesdain, relative au voyage de son fils au Tibet (29 septembre 1907) ainsi que  quatre  lettres de Jacques de Lesdain à propos de ce voyage et de sa conférence, donnée devant la Société de géographie. Voyage au Thibet est consultable en version numérisée (accès gratuit) sur le site BnF Gallica,

(9) Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit). On trouve différentes graphies au fil des articles et des livres : Chabernoo, Chabernov, Chabernoor. C’est cette dernière qui est la bonne. Chabernoor est devenue Shebiya.

(10) Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit)

(11)– En réalité Mabel Bailey n’avait que 19 ans au moment des faits, ce qui veut dire qu’elle n’était pas majeure, pas plus en vertu de la loi française que de la loi américaine. Les missionnaires belges installés à Chabernoor, dépendaient  de la Congrégation belge  du Cœur immaculé de Marie, installée dans le nord de la Chine de 1865 à 1955, avec pour objectif de pousser vers la Mongolie pour évangéliser la population. Lors de la révolte des Boxers, plus 300 chrétiens avaient été massacrés à Chabernoor et 1 500 autres avaient échappé à la mort  en s’enfuyant.  Parmi les victimes, figuraient une dizaine de religieux. En même temps que la plupart des habitations, l’église avait été entièrement détruite. C’est en 1904-1905 que la nouvelle église fut reconstruite, au moment où Jacques de Lesdain faisait étape à Chabernoor.

(12)– Selon une autre source (The Tyrone Daily Herald, 18 août 1924), « Lorsque le comte (…) voyageait en Mongolie, en 1904, il rencontra une jeune Américaine, veuve à dix-neuf ans d’un négociant en soie qui avait été le représentant d’un grand magasin américain » implanté à New York et à Chicago. Le même article précise qu’elle l’avait épousée à Chicago, alors qu’elle n’avait que  seize ans.  Son époux  étant chargé des achats de soie en Chine et au Japon, elle l’avait accompagné en Orient. The Tyrone Daily Herald ajoute : « A Singapour, le négociant en soie et son épouse lièrent connaissance avec le Comte de Lesdain, propriétaire de plantations de thé et de mines. Vers la même époque, le négociant en soie décéda, après une courte maladie et sa jeune veuve, à laquelle il avait laissé une fortune considérable, épousa le comte, près d’un an plus tard ». Jacques de Lesdain était-il à Singapour ? Etait-il  associé, voire propriétaire de mines et de plantations ? Mabel Bailey était-elle  déjà veuve ? Autant de questions auxquelles il est difficile d’apporter une réponse, faute de documents.

(13) L’article est consultable intégralement sur le site BnF Gallica. L’affaire du mariage de Chabernoor a été relayée dans de nombreux journaux français et étranger.  Sous la plume de Georges Clarétie, on en trouve un compte rendu dans Le Figaro. Daté du 9 juillet 1926, il est intitulé « L’histoire d’un explorateur et d’une jeune Américaine » : « Au mois de juin 1904, un jeune homme de vingt trois ans, M. Jacques Bouly de Lesdain, quittait Pékin pour aller explorer le Thibet et la Mongolie centrale. Avec lui partait une jeune Américaine de vingt ans, Miss Mabel Bailey qui voulait aussi se lancer sur les traces de Marco Polo et de Bonvallot. Les temples et les lamas du mystérieux Thibet l’attiraient. Pour suivre l’expédition à travers les sables, elle s’était déguisée en homme, mêlée aux voyageurs de la caravane, et ce n’est que plus tard qu’elle révéla sa présence à M. de Lesdain, le chef de l’expédition.  Il fut charmé par le courage et la beauté de la jeune Américaine, et il s’éprit d’elle. Il lui demanda sa main, elle la lui accorda. On était à Chabernoov, en plein désert de Gobi.  Comment s’y marier? Il y avait là deux missionnaires belges: ils donnèrent la bénédiction nuptiale aux deux jeunes explorateurs. Et dès lors, ils se crurent, se dirent mariés. Ils furent heureux tout d’abord. Un enfant naquit, la jeune Pauline. En 1908, M. de Lesdain, publiant la relation de son voyage à travers le Thibet, mettait en première page son portrait et celui de miss Mabel Bailey avec cette inscription: ”le comte et la comtesse de Lesdain” et dans son livre, il parlait sans cesse de “sa femme”, sa compagne de voyage. La famille de M. de Lesdain recevait d’ailleurs la jeune femme et Mme de Lesdain mère appelait Mabel “sa fille”. Mais tout arrive, et un jour le comte de Lesdain demanda aux tribunaux la nullité de son mariage, d’après l’article 170 du Code civil. Pour être valable, le mariage d’un Français à l’étranger doit être célébré soit dans les formes usitées dans le pays, soit devant un agent diplomatique ou consulaire ».

(14)– Après la séparation du couple,  Ora Pauline de Lesdain sera élevée à Chicago, par sa mère et par sa tante, « qui, elle, était une personne très bien » note Jacques de Lesdain dans sa correspondance avec Renaud Bouly de Lesdain (ouvrage cité). Au début des années 1930, elle épousera Norton Vernon Smith Junior. Né le 29 décembre 1903, il est  agent de change à la banque Bache et Cie (Securities and commodities account executive). Elle a pu revoir son père à plusieurs reprises, d’abord dans les semaines qui ont précédé son mariage. Ensuite, comme le précise Jacques de Lesdain, qui disait être « en bons termes avec eux », elle est venue le voir à Rome, à quatre reprises. Jacques de Lesdain, qui était alors sous le coup d’une condamnation à mort par contumace prononcée en 1950, pour fait de collaboration, s’y était réfugié après guerre (voir la suite de la biographie). Ora Pauline de Lesdain est décédée le 19 juin  1993. Son époux, Norton Smith, était quant à lui décédé le 18 novembre 1988. Tous les deux sont inhumés au Memory Garden Cemetery, Arlington Heights (Illinois).    Dans son  édition du 22 juin 1993, The Chicago Tribune mentionne ainsi sa disparition : « Ora de Lesdain Smith, 87 ans, ancienne  présidente de la Margaret Etter Crèche Learning Center de l’Hôpital Memorial de l’enfance, est décédée samedi à l’hôpital Saint-Joseph. Mme Smith, qui résidait à North-Side depuis cinquante ans, avait présidé la Croisade de la Communauté du conseil d’administration de l’American Cancer Society, à Chicago. Elle a également été membre de la guilde de la Chicago Historical Society et de l’Association des femmes de l’Orchestre symphonique de Chicago, et elle a dirigé la Greater North Michigan Avenue Association. Elle n’a pas de descendants immédiats ».

Tombe Ora de Lesdain
La Tombe d’Ora de Lesdain (© Billion graves.com)

 (15)– Récit de Mabel de Lesdain reproduit dans The Washington Herald,  22 mars 1914.

(16)– Récit de Mabel de Lesdain reproduit dans The Washington Herald,  22 mars 1914. Ce départ de Jacques de Lesdain pour l’Amérique du sud correspond à son voyage au Brésil où il accomplira quelques exploits automobiles racontés par ailleurs.

(17)Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit). Selon l’annuaire Paris Mondain, édition de 1908, « le Comte Jacques de Lesdain et la comtesse, née Bailey » résidaient alors rue Eugène-Manuel dans le XVIème arrondissement.

(18) – L’article publié le 22 mars 1914 dans The Washington Herald titrait : « Certificat de mariage ? Elle a obtenu une copie », soulignant que « La comtesse de Lesdain a dû parcourir 24 000 miles pour l’obtenir. Désormais,  elle va poursuivre le Comte devant la justice. La jeune femme originaire de Chicago est allée de Londres à Pékin pour obtenir la preuve de son mariage ».

(19) The Washington Herald, 22 mars 1914.

(20)– Sur les comptes  rendus des diverses audiences, au fil des jugements, on pourra consulter Le Petit Parisien, Le Figaro ou L’Ouest-Eclair sur le site BnF Gallica. Si les articles traitent souvent le problème sur un mode « léger », notamment avec l’évocation de la pittoresque  tradition du mariage mongol, Renaud Bouly de Lesdain (ouvrage cité) rapporte un propos de  son père qui « se souvenait  d’un article qui se terminait par un retentissant :”M. Le comte Jacques de Lesdain est un mufle”. »

(21)Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit).

(22) Archives Renaud Bouly de LesdainJacques de Lesdain par lui-même, (ouvrage cité, inédit). La firme automobile Richard – Brasier, et non Brazier, avait été fondée en 1902 par Georges Richard et Charles-Henri Brasier. Son siège  social et les services commerciaux se situaient  à Paris, au 23 avenue de la Grande Armée et les ateliers de fabrication  à Ivry-Port. Très présente dans la compétition automobile, la société Richard – Brasier avait remporté plusieurs épreuves, dont la coupe Gordon-Bennett en 1904 et 1905. C’est alors l’âge d’or de l’entreprise qui disparaîtra au début des années 1930, emportée par une faillite. En 1908, la gamme des véhicules comportait 6 modèles s’étageant entre 15 et 60 CV. La 16 HP qui avait été confiée à Jacques de Lesdain développait 26 CV. Elle coûtait alors 13 500 F  soit  l’équivalent de près de 60.000 euros de 2014.

(23)– Extraits du Matin et du Figaro, consultables sur le site BnF Gallica Un siècle plus tard, Jacques de Lesdain est considéré comme un des héros de l’histoire de l’automobile au Brésil. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les nombreux articles qui sont consacrés au « Conde Lesdain » sur des sites Internet brésilien, accessibles via Google Brasil.  

  JACQUES DE LESDAIN

POINTS DE REPÈRE

1880 : Naissance de Jacques Bouly de Lesdain à Dunkerque.

1902 : Attaché d’ambassade à la légation de France à  Pékin. Juin – Septembre : Périple en Mongolie à travers le désert de Gobi.

1903 : Publication  par les éditions Challamel de  En Mongolie, récit de son voyage.

Jacques de Lesdain, jeune attaché d'ambassade (1904)
Jacques de Lesdain, jeune attaché d’ambassade (1904)

◄ 1904 -1905 (juillet – novembre) : Voyage au Thibet par la Mongolie. Premier mariage : épouse Mabel Somerville Bailey. 1906 : Naissance de Ora Pauline de Lesdain (1906-1993).

1906-1908 : Voyages et séjours en Australie, aux États-Unis.

1908 : Publication par les éditions Plon et Nourrit de Voyage au Thibet par la Mongolie, de Pékin aux Indes.   Exploits automobiles au Brésil.

1910 : Correspondant du journal Le Matin à Londres. Deuxième mariage : épouse Dora Bruning (1890-1930). 1911 : Naissance de Nadine de Lesdain, sa seconde fille (1911-2008).

1911-1914 : Voyages et séjours aux Etats-Unis, au Mexique…

1914-1918 : Affecté spécial. Correspondant du Daily Chronicle à Londres puis affecté à l’Amirauté.

1919-1939 : Fait des affaires en Europe, commissionnaire en marchandises…

1927 : Troisième mariage avec Emilie Gammersbach (sans postérité).

1930 : Décès à Paris de sa seconde épouse, Dora Bruning.

1931 : Publication de La seconde paix, sous le pseudonyme d’Esdalin.

1939 : Correspondant de L’Illustration en Suisse.

1940-1944 : Rédacteur puis rédacteur politique de L’Illustration. Conflits à répétition avec les Baschet, propriétaires du magazine.

1940 (octobre – novembre) : Organisateur avec Jean Marquès-Rivière de l’exposition La Franc-maçonnerie dévoilée au Petit Palais.

1941 (mai – octobre) :  Organisateur de  l’exposition La France européenne au Grand Palais.

1941-1943 : Publication de la revue La France européenne (juin 1941 –  juin 1943)

1942 (avril – août) : Organisateur de l’exposition La vie nouvelle, suite de La France européenne, au Grand Palais. Fait jouer Le don de soi-même.

1943-1944 : Publication de la revue Aspects (novembre 1943- août 1944).

19441945:  Départ de  Paris (août) et exil à Sigmaringen. Collaborateur du journal La France et directeur de la radio Ici la France.

1945-1947 : Trouve refuge dans le Haut – Adige.

1947 : Installation du couple de Lesdain à Rome.

1950 : Condamnation à mort par contumace de Jacques de Lesdain.

1951-1958 : Rédige pour l’ambassade de France à Rome diverses synthèses.

1961-1968 :  Effectue des travaux de traduction  à l’Osservatore Romano.

1968 : Décès de sa première épouse, Mabel Sommerville Bailey.

1968-1976 : Prise en charge matérielle du couple De Lesdain par le Cardinal Frings et par l’archevêché de Cologne.

1976 : Décès de Jacques de Lesdain (date précise et lieu d’inhumation non connus)

1978 : Décès de son épouse Emilie de Lesdain (date précise et lieu d’inhumation non connus)

1993 : Décès à Chicago de sa fille Ora Pauline de Lesdain, épouse Smith (sans descendance).

2008 : Décès à Saintes (Charente Maritime)  de sa seconde fille, Nadine de Lesdain, épouse Grasset (descendance).

 

Informations pratiques

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Un commentaire

  1. En octobre 2009, un mémoire de master intitulé « Le thème européen dans la propagande nazie en France : le cas Jacques de Lesdain, rédacteur politique de l’Illustration, août 1940 – août 1944 » a été brillamment soutenu par François Bouteiller, à l’université de Cergy-Pontoise.
    A titre indicatif, voici les différents thèmes qui y sont traités :
    – Biographie (1944-1975 / 1880-1940 / 1940-1944)
    – Fraternité (Intéressement et Générosité / le Partenariat / la Révélation dans l’Épreuve)
    – Exemplarité (le Relèvement / l’Homme nouveau / la Modernité)
    – Guidance (Guidance économique / Guidance militaire / Guidance politique).

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