Article mis à jour et complété le 21 novembre 2022
Jean-Paul Perrin
perrinjp@sfr.fr
José SIMONT GUILLÈN
alias José SIMONT (1875-1968)
Trois décennies de dessins et d’aquarelles
pour le magazine L’Illustration
-I-
LES ANNÉES
1875 – 1918
• Avec André Galland, Géo Ham, Louis Sabattier ou Georges Scott, José Simont a été un des principaux dessinateurs de l’Illustration, aux grandes heures de l’hebdomadaire entre 1900 et 1944, durant « l’ère des Baschet. »Entre dessins et aquarelles, son style a durablement marqué les pages du magazine. On sait toutefois moins de choses sur ce que fut sa vie, avant qu’il n’arrive d’Espagne à Paris, presque en même temps qu’un autre futur (très) grand nom de la peinture, Pablo Picasso. De même, on a un peu oublié ce que fut son parcours après 1944, jusqu’à sa disparition, en 1968, au Venezuela. Aujourd’hui son pays natal semble le redécouvrir, en lui consacrant des expositions.
• Cet article propose donc un retour sur la première partie de sa vie, entre sa naissance à Barcelone, en 1875, et la fin de la première guerre mondiale, au terme de 4 années de guerre qui ont donné lieu à une intense production artistique… Dans un second article, sont abordées les années 1919-1968, entre le retour à la paix et sa disparition survenue à Caracas.
•Enfin, on pourra retrouver sur ce blog la liste des œuvres de José Simont (dessins et aquarelles) qui ont été publiées dans les pages de L’Illustration, entre 1902 et 1944.
© Jean-Paul PERRIN
Contact: perrinjp@sfr.fr
• NÉ À BARCELONE
EN 1875
José Simont, à l’âge de 18 mois
• Peintre et dessinateur d’origine espagnole, José Simont Guillèn, dit José Simont, a été un des principaux dessinateurs de l’Illustration, entre la Belle Epoque et 1944, avec une interruption entre 1921 et 1932, période durant laquelle il s’est installé provisoirement aux Etats-Unis. Né à Barcelone, le 30 septembre 1875, il passe son enfance à Valladolid, à Valence, à Alcala de Henares, à Madrid et, enfin, à La Corogne. Des changements fréquents de résidences qui s’expliquent par le métier qu’exerçait son père : sellier – bourrelier dans l’armée, il était amené à travailler pour divers régiments de cavalerie qu’il suivait au gré de leurs déplacements et de leurs nouveaux casernements.
• UNE FORMATION ARTISTIQUE
À BARCELONE…
• José Simont, qui semble peu passionné par les études, préfère passer la plus grande partie de son temps à l’extérieur, au milieu des jeunes « blancs becs » de son âge, tout en dessinant ou en peignant. Face à ce peu d’attirance pour des études “classiques”, et après lui avoir fait suivre quelques cours de comptabilité, son père décide d’envoyer le jeune adolescent chez un de ses oncles, à Barcelone. Il est placé comme apprenti dans un magasin. L’expérience ne durera que quelques mois, le commerce ayant fait rapidement faillite. L’oncle de José Simont n’a pas manqué de remarquer son goût pour le dessin et pour la peinture, doublé d’un talent prometteur. C’est lui qui semble avoir convaincu ses parents d’exploiter ces dons, en l’orientant vers des études artistiques.
• Une fois les dernières appréhensions paternelles surmontées, et après avoir acquis les premières connaissances techniques à La Corogne, sous la houlette du professeur Ramon Navarro, José Simont retourne dans sa Barcelone natale. Pour intégrer l’académie de dessin, il lui faut d’abord passer un examen, sous la houlette du peintre et dessinateur Ramon Marti Alsina (1826-1894), un des maîtres du courant réaliste espagnol. L’épreuve consiste à dessiner une chaise placée à quelques mètres des candidats, ce qui ne soulève guère de difficultés pour José Simont.
• Il peut ainsi entrer à la Escuela de Bellas Artes, l’académie que dirige alors le peintre Ricardo Marti, le fils de Ramon Marti Alsina. José Simont se révèle très vite comme un élève brillant, particulièrement doué pour les arts, capable de s’attirer aussi bien la sympathie de ses condisciples que celle de ses maîtres, dont il devient un des élèves préférés.
• José Simont, qui affirmera des années plus tard que ses professeurs étaient certainement les meilleurs, perfectionne rapidement son art et sa technique en commençant modestement par imiter les élèves qui sont en avance sur lui. En cours, on travaille essentiellement à la reproduction de scènes naturelles et de paysages mais, quand il faut faire poser un modèle féminin, les élèves ne rechignent pas à se cotiser pour faire venir des jeunes femmes dans la classe.
• Le tout premier tableau réalisé par José Simont s’intitule Le repos de la lavandière, un titre qui résume bien le contenu. Désormais convaincu que le jeune homme a trouvé sa voie, son père décide de lui louer une maisonnette, dans le village de Bilaboa, quelque part en Galice. C’est là qu’il réalise son deuxième tableau, sur lequel on voit une vache en train de paître avec son veau. Loin de se limiter à des scènes réalistes et naturelles, l’élève se perfectionne aussi dans l’art du portrait, pour lequel il se révèle également très doué. Par ailleurs, pour parfaire sa formation, il fréquente l’École des beaux arts de Lonja où il a pour condisciple Isidro Nonell (1872-1911) et pour maître José Luis Pellicer. (1842-1901).
• 1898
L’INSTALLATION À PARIS
PREMIERS PAS DANS LA PRESSE ILLUSTRÉE
• Au terme de cette formation et sur les conseils de Ricardo Marti, José Simont considère que pour progresser tout en mettant en application ses talents, mais aussi pour en vivre, il lui faut s’établir à Paris. C’est ce qu’il fait durant l’hiver 1898. Il a alors vingt-trois ans et il s’installe dans un petit hôtel modeste de la rue de Grenelle. La Tour Eiffel n’a pas encore achevé sa première décennie d’existence. C’est l’époque où le French Cancan et le Moulin Rouge sont à leur apogée, tandis que Toulouse Lautrec ou Van Gogh peignaient, comme le rappellera, au début des années 1960, un quotidien espagnol. D’autres artistes catalans ont fait ou feront le même choix de venir se fixer à Paris au tournant du XIXè et du XXème siècle, le plus connu étant Pablo Picasso. Laura Karp-Lugo, dans sa thèse de doctorat d’histoire, Au delà des Pyrénées, les artistes catalans à Paris au tournant du siècle (Université François Rabelais, Tours), s’est penchée sur cette communauté catalane et elle en a dressé la cartographie (Voir la carte ci-dessous ▼)
• Son atelier, situé dans la même rue, est fréquenté par de nombreux modèles des deux sexes, majoritairement d’origine italienne, ainsi que par d’autres artistes, avec lesquels il se lie d’amitié. Un vivier dans lequel va puiser José Simont pour réaliser ses premiers dessins, ce qui absorbe la plus grande partie de ses maigres revenus. Ses premiers mois parisiens se révèlent donc des plus difficiles et il mène une vie de bohème qui ne diffère guère de celle des autres artistes de l’époque, faute de s’être encore fait un nom. Le seul moyen de s’en sortir, c’est de multiplier les productions, quitte à y consacrer des journées entières. Dans une interview donnée en 1957 au journal espagnol La Vanguardia, en revenant sur cette période de son existence, il dira avoir dû travailler alors quinze à dix-huit heures par jour.
La rue de Grenelle (vers 1900) où José Simont avait son atelier
• C’est à cette époque qu’il fait la connaissance d’un vieux diplomate espagnol à la retraite, Ponte de la Oz. Ce Madrilène avait représenté l’Espagne à Paris, sous le règne de Napoléon III, dont on sait que l’épouse, Eugénie de Montijo, était issue de la noblesse espagnole. L’homme est un grand amateur d’art et sa passion pour la peinture le pousse à réaliser des tableaux qu’il soumet au jugement de José Simont. Lequel lui apporte conseils et corrections, en veillant à ne jamais se montrer blessant dans ses remarques critiques.
• LES DÉBUTS À LA MAISON
DE LA BONNE PRESSE…
• Parmi ceux qui fréquentent son atelier, figurent également deux jeunes prêtres, qui ont eux aussi une âme d’artistes. C’est vraisemblablement par leur truchement que José Simont entre en relation avec la Maison de la Bonne Presse, propriété des Pères Assomptionnistes. Ces derniers publient notamment le quotidien La Croix et l’hebdomadaire Le pèlerin, très lus dans les milieux catholiques et conservateurs français. On est alors en pleine affaire Dreyfus et le journal La Croix a clairement choisi le camp des antidreyfusards. Avec Le Noël, dont le tout premier numéro était sorti en 1895, les Assomptionnistes entendent marquer leur préoccupation pour la question de l’enfance et de l’éducation.
• Dans les pages de ce magazine, José Simont se voit alors régulièrement confier l’illustration de contes et de nouvelles. Il lui faut toutefois accepter de se plier aux consignes strictes et aux critiques des Pères assomptionnistes, quitte à devoir y perdre une partie de sa liberté de création. Ce que le vieux diplomate espagnol avec lequel il s’est lié d’amitié ne comprend pas. Mettant son amour propre entre parenthèses, José Simont accepte de remanier ses compositions, voire de les reprendre complètement pour répondre aux exigences des Assomptionnistes.
• Chaque année, on lui confie aussi la tâche de dessiner le Christ destiné à orner la couverture de l’Almanach du Pèlerin. Jusqu’au début des années 1910, le journal La Croix le charge de réaliser l’illustration principale de son calendrier. Une image que les assomptionnistes entendent bien utiliser pour soutenir leur combat : “M. Simont, l’artiste bien connu, s’est surpassé en dessinant le calendrier (de La Croix) et le magnifique Christ qui en fait le sujet principal permettra à nos zélés propagateurs de répandre l’amour du Christ en plaçant partout, avec honneur, cette image si outragée au cours de cette année”, lit-on dans La Croix datée du 19 novembre 1904.
• La qualité graphique, le réalisme et le souci du détail qui caractérisent ses illustrations, lui permettent de commencer à se faire un nom, dans le petit monde des dessinateurs de presse, à un moment où la photographie commence à peine à percer. Autre moyen pour sortir de l’anonymat, il participe à des expositions, dont une, dès 1902, au P’tit Salon, “ce salonnet (sic) d’une sérieuse tenue artistique« , si l’on en croit le journal La Croix , datée du 6 avril 1902. Le chroniqueur artistique mentionne, certes rapidement, “une excellente tête d’étude de M. José Simont”.
• Le jeune artiste ne dédaigne pas non plus les commandes publicitaires, comme celles des champagnes Roederer pour lesquels il réalise plusieurs compositions. À la demande de l’Œuvre des orphelins de la mer, il exécute une série de dessins qui seront reproduits sur des cartes postales. Elles illustrent les étapes de la vie des travailleurs de la mer et de leurs familles, depuis l’apprentissage des futurs marins jusqu’au naufrage, en passant par des scènes de départ. Le Journal de la femme et La femme et le monde font aussi appel à lui. De l’illustration de contes à l’illustration de mode, il peut ainsi mettre en valeur les différentes facettes de ses talents. Chacun de ses dessins lui est payé entre 5 et 10 francs, une somme que nombre de dessinateurs, à la même époque, peuvent lui envier. De quoi améliorer très sensiblement sa situation matérielle et l’extraire peu à peu de sa « vie de bohème ». C’est ce qui lui permet, dès 1900, de faire venir ses parents à Paris, l’année même de l’exposition universelle.
• Le père de José Simont, qui n’avait pas cru, au départ, que son fils puisse mener une carrière d’artiste, ne cache pas son admiration devant la perfection de ses travaux. Cette réussite professionnelle ne l’empêche toutefois pas de continuer à mener un train de vie apparemment modeste. En 1982, dans un entretien avec l’historienne María Francisca Mourier-Martínez, son neveu, Juan Ribo Simont, confiera que « (S)on oncle gagnait très bien sa vie, mais (que) sa maison était restée identique à celles de tous les artistes débutants de ce temps ».
• UN BREF PASSAGE
PAR LE MONDE ILLUSTRÉ…
La qualité de ses dessins ne manque pas d’attirer l’attention des éditeurs des grands magazines hebdomadaires illustrés. Le premier à le recruter est Le Monde Illustré. Fondé en 1857, il est le principal concurrent de L’Illustration, dont le premier numéro est sorti en 1843. Dès 1899, José Simont illustre des contes et des nouvelles.
• Il est ensuite chargé de couvrir, en tant que reporter et dessinateur, les grands événements de l’époque. L’exposition universelle de 1900, pour laquelle Le Monde Illustré publie plusieurs suppléments, lui permet de mettre en valeur ses dessins et d’accroître encore sa notoriété. Au point que L’Illustration s’intéresse à lui et va chercher à le débaucher.
• 1902: JOSÉ SIMONT
RECRUTÉ PAR L’ILLUSTRATION
• Lucien Marc, le directeur de L’Illustration, fait appel à lui en 1902, en lui proposant un contrat inespéré : dessiner en exclusivité pour la revue, avec des appointements de 15.000 francs par an, exception faite des frais de voyages et de repas. Une proposition qui peut paraître fabuleuse, à une époque où les journaux populaires se vendaient 5 centimes et où les linotypistes, les ouvriers les plus qualifiés dans les imprimeries, gagnaient seulement 10 francs par jour. Dans son contrat qui court sur trois ans, il s’engage à ne pas travailler pour d’autres revues, mais il reste libre de répondre à des commandes particulières, y compris pour des dessins publicitaires.
• Ce faisant, il inaugure une collaboration avec l’hebdomadaire qui ne cessera qu’en 1944, année où la parution de l’Illustration sera interdite pour des faits de collaboration sous l’Occupation. La seule période durant laquelle sa signature sera absente est celle des années 1921-1931, durant lesquelles, comme on le verra, José Simont a quitté la France pour s’installer aux Etats-Unis. Fort de cet engagement et de l’aisance matérielle qu’il lui procure, José Simont quitte la rue de Grenelle pour élire domicile au 25 rue de l’Yvette, à Passy, dans un superbe hôtel avec jardin.
• JOSÉ SIMONT,
UN DES PILIERS DE L’ILLUSTRATION
(1902-1921 et 1932-1944)
Le siège de L’Illustration, 13 rue Saint-Georges
•Dès son arrivée au 13 de la rue Saint-Georges, siège de l’Illustration, José Simont devient un des principaux dessinateurs de l’hebdomadaire, à charge pour lui de brosser les portraits des personnalités des mondes politique, diplomatique, militaire, littéraire ou théâtral, mais aussi de rendre compte de l’actualité, qu’elle soit internationale ou simplement mondaine.
• Crayon en main, il va se retrouver ainsi confronté aux grands événements qui rythment l’histoire du monde avant, pendant et après la Première guerre mondiale. Autant de domaines dans lesquels il excelle, au point que ses dessins se multiplient dans les colonnes de l’hebdomadaire, alternant avec ceux de vétérans tels que Georges Scott ou Sabattier. Du 5 avril 1902, date de la parution de ses tout premiers dessins, jusqu’aux derniers jours de 1913, il contribue à l’illustration de plus de 80 articles. À onze reprises, c’est lui qui est chargé de composer la scène qui illustrera la première page de la revue. La plupart de ses dessins sont publiés en pleine page mais, signe supplémentaire de la confiance qu’on lui accorde et du talent qu’on lui reconnaît, en onze ans, il réalise 28 grandes compositions sur double page.
• Comme le montre le tableau ci-dessous, d’une année sur l’autre, ses contributions aux numéros de L’Illustration peuvent être variables, mais leur part est globalement croissante: entre 1902 et 1905, sa signature apparaît dans moins de 5 numéros, mais elle grimpe à 13 en 1906, à 10 en 1912 et à 15 en 1913, soit entre 20 et 28% des n° pour ces deux dernières années. Une tendance qui va se confirmer et s’amplifier avec la grande guerre.
Nombre de n° de L’Illustration auxquels a collaboré José Simont entre 1902 et 1913 (Ce tableau n’inclut pas La Petite Illustration)
• José Simont est aussi régulièrement appelé à illustrer des pages de la Petite illustration, le supplément de la revue qui publie romans, nouvelles et pièces de théâtre. Quelquefois, il apporte même sa contribution à l’illustration du fameux numéro de Noël. René Baschet, qui a succédé à Lucien Marc en 1904 et qui compte donner un nouvel essor à l’Illustration, n’hésitera donc pas à renouveler son contrat. Toujours à des conditions très avantageuses, jusqu’en 1921, date à laquelle le dessinateur quittera provisoirement Paris pour s’établir à New York, mettant entre parenthèses sa collaboration.
• Pour sa toute première incursion dans les colonnes du magazine, les 5 et 12 avril 1902, José Simont fait équipe avec Gustave Babin, un des grands reporters de l’Illustration. L’article porte sur la fabrication du gaz d’éclairage. Une manière de montrer que le magazine ne se complaît pas que dans l’actualité politique et internationale ou dans la vie mondaine, mais qu’il peut aussi s’intéresser aux innovations ou aux questions techniques. Grâce aux dessins de José Simont, les lecteurs sauront donc tout sur “ le chargement des cornues” et sur le travail des “chauffeurs” (5 avril), ainsi que sur celui des “déluteurs de cornue”, avant qu’on ne leur montre par l’image “Le transport du coke dans les marmites” et “La cour d’extinction du coke à l’usine de la Villette” (12 avril).
• Même si le monde des “ humbles” n’est pas vraiment la spécialité de José Simont, pas plus qu’il n’est la préoccupation première des lecteurs, il s’y intéresse néanmoins. Le 10 mars 1906, en marge de la conférence d’Algésiras qui s’éternise, il évoque sur une double page “ceux qui ne soucient guère de la police et de la banque marocaines”, en saisissant “des scènes populaires sur la marina”. Le 3 novembre 1906, il illustre un article consacré à “ L’émigration aux Etats-Unis”, donnant une série de croquis des nouveaux arrivants et une grande composition de deux pages sur les “Futurs citoyens des Etats-Unis”.
• En travaillant à partir de photographies ou de témoignages et de récits, lorsque les images font défaut, José Simont se révèle capable de reconstituer l’évènement, le “souffle” en plus, mais sans tomber dans la grandiloquence des dessinateurs qui meublent les unes des suppléments illustrés des quotidiens populaires du dimanche, tels que le Petit Journal illustré. Il est vrai que les lectorats ne sont pas les mêmes. Bien qu’il passe une grande partie de son temps à domicile ou dans les locaux de l’Illustration, José Simont n’est pas qu’un dessinateur « en chambre ». Il arrive que Maurice Normand, le rédacteur en chef, l’envoie en reportage, aux côtés de Gustave Babin. Un métier qui n’est pas de tout repos et qui peut présenter quelques risques. Pour un de ses tout premiers reportages, Il doit ainsi se rendre à La Martinique pour traduire par l’image le désastre provoqué par l’éruption de la Montagne Pelée en mai 1902.
La conférence d’Algésiras (1906) (carte postale d’époque)
• Il est aussi mobilisé pour rendre compte des grandes conférences internationales qui tentent de sauver la paix. Il immortalisera ainsi sous son crayon la conférence d’Algésiras en 1906 : “Deux de nos collaborateurs sont partis directement de Paris, lit-on dans l’hebdomadaire. M. Simont, un de nos meilleurs dessinateurs, artiste habile et portraitiste scrupuleux, et M. Gustave Babin, le reporter que nous avions envoyé en 1905 à Odessa. Ils se réuniront, à Algésiras, à trois de nos correspondants”. Sur place, dès le 27 janvier 1906, il immortalise “ la séance d’ouverture de la conférence d’Algésiras” insérée à la une de l’hebdomadaire, ainsi que “Le débarquement des délégués marocains”, en appui de l’article de Gustave Babin.
• Afin de traduire pour les lecteurs l’ambiance de la conférence, il montre aussi bien les représentants des différents états, se détendant “ à l’heure du café” (3 février) que pendant “les séances” (10 février), cette fois-ci en double page. En contrepoint, face à des discussions qui s’éternisent, il profite de son séjour pour donner un aperçu de “La vie à Algésiras” (7 avril). Dans un genre différent, et parce qu’il faut bien rassurer le lectorat bourgeois de l’Illustration, épris d’ordre et de respect de la propriété, José Simont se retrouve dépêché le 16 janvier 1908 sur les lieux de « l’exécution des bandits du nord » afin de montrer que l’heure est à “La fin de la clémence”, et que la république veille à l’ordre et à la sécurité.
• QUELQUES GRANDES THÉMATIQUES
D’AVANT 1914
• Hormis ces reportages plus ou moins lointains, et sans prétendre réaliser un catalogue exhaustif de ses dessins, on peut distinguer quelques grandes thématiques dans les compositions que José Simont donne à L’Illustration d’avant 1914. La plupart de ces thématiques se confirmeront au delà de la Grande guerre. Passage en revue…
◘ L’ACTUALITÉ POLITIQUE
• Dans le débat qui agite l’opinion publique sur la question de la séparation des Églises et de l’État, L’Illustration publie, le 25 août 1906, un entretien avec Aristide Briand, ministre des cultes, dont José Simont est chargé de brosser le portrait, en pleine page. De même, le 15 septembre, il rend compte par l’image et à la une de “La deuxième assemblée plénière des évêques français”, au cours de laquelle la hiérarchie de l’église catholique débat des conséquences de cette séparation. Pour faire bonne mesure, le 5 janvier 1907, la question revient à la une de l’hebdomadaire, avec un portrait de “Mgr Richard disant sa messe”. L’actualité politique, c’est aussi “ Le mariage de M. Clémentel, ministre des colonies ”, le 28 octobre 1905, ou une double page sur “ La translation des cendres de Gambetta”, dans le n° du 10 avril 1909.
Raymond Poincaré, peint par Marcel Baschet
• Autre thème, l’élection présidentielle. Le 22 février 1913, José Simont met en image “ la transmission des pouvoirs présidentiel” qui a eu lieu à l’Élysée, le 18 février, entre l’ancien président, Armand Fallières, et le nouveau, Raymond Poincaré. Un mois plus tôt, le 25 janvier, alors que députés et sénateurs tenaient conclave, les lecteurs avaient pu entrevoir la présence de “L’élément féminin au congrès de Versailles, dans le couloir des tribunes réservées”. L’Illustration ne peut ignorer que certaines de ces femmes revendiquent aussi leur part de citoyenneté. José Simont s’en fait l’écho le 2 avril 1910, en présentant en couverture “Marguerite Durand, qui brigue les suffrages des électeurs du IXè arrondissement”, alors que le droit de vote et d’éligibilité ne seront accordés aux femmes que trente quatre ans plus tard.
◘ LES GRANDS ÉVÉNEMENTS
DIPLOMATIQUES
• Dans un monde où grondent les menaces de guerre et où les crises se succèdent, la diplomatie et ses manœuvres prennent une place importante dans L’Illustration. Il s’agit d’abord de célébrer les visites des souverains des états qui sont des alliés de la France ou qui pourraient le devenir. Lors de ces visites officielles, José Simont est souvent mobilisé pour transcrire l’événement par l’image. Dans le n° du 9 mai 1903, c’est d’abord “ La soirée du 1er mai au théâtre français, en présence du roi Edouard VII”, à laquelle succède, dans celui du 24 octobre, “ La soirée du ministère des affaires étrangères, en présence des souverains italiens”, deux temps forts pour lesquels L’Illustration a réservé une pleine page. Il est vrai qu’il faut « soigner » le voisin transalpin pour essayer de le détacher de la Triple alliance. Le 9 décembre 1905, on réserve la couverture intérieure à “ L’arrivée des nouveaux souverains de Norvège dans leur capitale”. Bien qu’elle soit solide, il n’est peut être pas inutile de conforter l’alliance avec la Russie des tsars, en consacrant, le 29 février 1908, une page intitulée “Sur la côte d’Azur : la visite de l’escadre russe en rade de Villefranche”, mise en scène par José Simont.
• En 1912, alors que la guerre se rapproche, les relations franco-britanniques sont à nouveau à l’honneur à deux reprises, toujours sous le crayon de José Simont. En lisant le n° du 6 avril, les lecteurs découvrent que “ Le petit-fils d’Edouard VII, nouveau prince de Galles (est) à Paris”. Encore quatre mois et on lui consacrera carrément une première page, le 27 juillet, pour signaler que “Le prince de Galles (a été fait) Grand croix de la légion d’honneur ”. Quelques semaines plus tard, José Simont se voit confier la mission de traduire en images (10 août 1913) “ Le voyage de M. Poincaré en Russie”, et toujours en première page. On est alors à un an de l’éclatement du conflit.
◘ JOSÉ SIMONT, UN CHRONIQUEUR
DE LA VIE MONDAINE
• Compte tenu du lectorat de L’Illustration, on ne s’étonnera guère que la vie mondaine, entre personnes issues de la « bonne société », qu’elle soit noble ou bourgeoise, mais surtout parisienne, occupe une place importante dans l’œuvre graphique de José Simont : en onze ans, ce sont près de 35 dessins qu’il y consacre, dont une part importante de doubles pages. Comment vit-on et comment occupe-t-on son temps libre lorsqu’on appartient à cette frange privilégiée de la population ?
• Les sports ou l’assistance aux compétitions et autres courses hippiques reviennent régulièrement, sous le crayon de José Simont et donnent lieu à de grandes compositions sur double page: “ Les courses d’automne, devant les tribunes d’Auteuil ” (19 novembre 1904), “ Heures parisiennes : de trois à cinq au concours hippique” (7 avril 1906). Quand ce n’est pas Auteuil, ce peut être l’autre grand champ de courses de la capitale avec, le 24 octobre 1908, la représentation d’un “ Dimanche d’octobre à Longchamp”.
• On peut aussi retrouver cette bourgeoisie qui s’essaye à la pratique de sports réputés “nobles”, avec “ Le tennis à Dinard” (16 septembre 1905). Une station particulièrement prisée, puisque les lecteurs y retourneront dès le 11 août 1906, avec “L’heure du bain” suivie de “L’heure du thé sur la terrasse du Royal”, avant de contempler “ Les régates”. Pour ceux qui préféreraient Deauville, voici “ Les élégances à Deauville”, suivies de “ L’heure du bain sur une plage à la mode”, dans le n° du 26 août 1911. Ces plaisirs ne sont pas l’apanage des Français, puisque José Simont sait aussi traduire sous son crayon “ Un des plaisirs de la saison de Londres : le canotage ”(11 juillet 1908). Le 9 octobre 1909, il représente “ l’inauguration du terrain de golf de Chantilly”. Un sport qui tranche évidemment avec la grande fresque consacrée au “ Combat de boxe à la salle Wagram » (22 février 1908).
• Lorsque l’hiver est là, il est bon de rejoindre les rivages méditerranéens : le 16 février 1907, José Simont dessine “ L’arrivée des spectateurs au casino de Monte-Carlo”, suivie, le 30 mars 1907, d’une évocation du “ Printemps sur la côte d’Azur ”, avec deux dessins représentant “ Le restaurant à la mode” et “ Une salle de jeu à Monte-Carlo”, le second s’étalant sur deux pages.
• Que fait cette même clientèle, lorsqu’elle reste à Paris ? Là encore, le crayon de José Simont apporte des éléments de réponse. Le bois de Boulogne avec ses élégantes et les rencontres qu’on peut y faire, semble un lieu très prisé : une double page Matinée de juin au bois de Boulogne : le sentier de la vertu” (8 juin 1907), suivie le 11 mai 1912 de “La réouverture du bois : l’heure du thé” précèdent l’évocation d’un “ dimanche matin, avenue du bois ”, le 22 juin 1911. On y retourne le 14 juin 1913 avec pas moins de trois dessins : “ Le matin au bois ”, avant la double page “ Matinée parisienne au Bois : Une gracieuse rencontre et le salut du cavalier”.
• On sait aussi apprécier “Un spectacle champêtre dans le parc d’Ermenonville : la représentation du devin du village” (29 juin 1911). Quant aux dames, José Simont montre que “Le rendez-vous de Trianon ” peut occuper “ Les après midi de la Parisienne” (17 juin 1911), quand ce n’est pas, le 13 janvier 1906, “ Un cinq à sept au Palais de glace”. Le 28 juin 1913, le dessinateur fait l’éloge des “Elégances modernes dans le parc du Grand roi (avec) le goûter des Amis de Versailles dans le Bosquet des rocailles ” Pour se perfectionner dans l’art de la danse, on pourra participer à “ La leçon de tango ” (29 mars 1913). C’est peut être aussi ce qui a poussé le magazine à demander à José Simont une série de dessins explorant “les coulisses de l’opéra” pour présenter aux lecteurs “ L’entrée de la danse” (double page), “la loge des choristes” et “ Les exercices des danseuses” (5 janvier 1907).
• On ne saurait oublier le passage obligé avec double page “ Chez le couturier ” (27 décembre 1913). On ne passera pas pour autant sous silence les indispensables mannequins à propos desquels José Simont signe sept dessins, dans le même numéro. Le 1er février 1908, la réouverture de l’opéra est prétexte à la présentation du “ nouveau buffet” sur deux pages. Il arrive aussi qu’une “ exposition au jeu de paume (intitulée) Aux cent portraits (devienne) un rendez vous mondain ” (29 mai 1909). Cette même bourgeoisie, heureusement, sait avoir du cœur, ainsi que le démontre la couverture de l’Illustration du 25 mai 1912, avec un dessin de José Simont intitulé « Pour les soldats blessés au Maroc, une vente de charité à la Croix Rouge ».
◘ EXPOSITIONS, THÉÂTRE
ET SPECTACLES PARISIENS
• Exposition, Opéra et théâtre constituent une trilogie incontournable pour la clientèle parisienne de l’Illustration, mais toujours dans les limites d’un académisme de bon aloi. Il n’est donc pas surprenant que l’on retrouve ces thèmes sous le crayon de José Simont. On se rend donc “Au salon d’automne” (5 novembre 1904), davantage pour mettre en scène les visiteurs que les tableaux exposés . On fréquente les théâtres pour découvrir “ L’envers d’une féerie : les coulisses pendant une répétition au théâtre du Châtelet” (23 décembre 1905). Il est aussi question de “ La Duse française : Berthe Bady dans une pièce de Henry Bataille” (5 mars 1910) ou de “La nouvelle « aventurière », Mlle Sorel »” (19 novembre 1910). Au fil des parutions hebdomadaires, on met en avant les pièces qu’il faut avoir vues. Florilège : “Les “éclaireuses” de M. Maurice Donnay” (1er février 1913), “La confession de la Du Barry, scène de La chienne du roi de Henry Lavedan ” (15 février 1913), “ Le secret, après la révélation, pièce de H. Bernstein” (29 mars 1913), “ Pénélope au théâtre des Champs-Élysées ” (17 mai 1913).
Un dessin de José Simont, à la une du magazine Fémina (novembre 1913)
• On recommande aussi “ Primerose à la comédie française” (14 octobre 1911) et on décrit “ Le ménage de Molière à la comédie française” (16 mars 1912). Autres dessins de José Simont à signaler : “ Un nouvel interprète féminin du rôle d’Hamlet, Mme Suzanne Desprès” » (4 octobre 1913), “ Les Anges gardiens au théâtre, les personnages féminins du roman de Marcel Prévost ” (1er novembre 1913) et “Une grand-mère octogénaire personnifiée au vaudeville par une artiste qui a l’âge du rôle” (27 décembre 1913).
• Le théâtre peut aussi se dérouler hors les murs : le 29 juillet 1911, une double page illustrée par José Simont permet de suivre “La comédie française en plein air (pour) une représentation au théâtre du parc à Maison-Laffite”. L’Opéra est un autre lieu prisé. Ainsi se succèdent “ Ariane à l’opéra” (3 novembre 1906), “Une répétition sur scène à l’opéra ” (29 décembre 1906) ou encore “ Le gala italien de l’opéra ” (30 janvier 1909). Le 7 juin 1913, le lecteur est transporté à l’opéra comique pour la présentation de “ Une grande œuvre lyrique”.
• Finalement, comme on peut le voir, les dessins de José Simont donnent souvent, au moins dans cette période, une image plutôt rassurante et apaisante aux lecteurs de l’Illustration qui y retrouvent le reflet de leur propre existence.
Nos élégantes au skating (© Simont)
• José Simont, travailleur acharné dès ses débuts, malgré l’expérience acquise au fil des décennies, recherche constamment la perfection du trait et de l’expression, tout en accroissant sa production, au fil des années. À la question d’un journaliste de La Vanguardia espanola qui lui demandait combien de dessins il avait réalisés au cours de sa carrière, José Simont se contentait de répondre « Une infinité ». Et d’ajouter immédiatement : « J’ai été et je suis toujours un grand travailleur du dessin. Pour beaucoup, il m’est arrivé de les recommencer dix fois. Je ne cède pas à la facilité et pour tout cela, je crois avoir fait une carrière honorable. J’ai aimé au plus haut point mon art ».
• En dépouillant les catalogues des exposition ou des salles de ventes, qui permettent d’avoir accès à ses originaux, on constate que l’on voit souvent revenir les mêmes mentions techniques “Lavis d’encre de Chine, gouache blanche, crayon sur carton”, quelquefois “sur papier” ou bien “ Dessin à l’encre de Chine”, “ Fusain, crayon pastel noir”, voire “Fusain estompé”. Le tout dans des formats extrêmement variés qui peuvent aller du grand format (0,60 cm/0,90 cm par exemple), utilisé notamment pour ses compositions publiées sur double page, jusqu’à des formats beaucoup plus réduits (0,36 cm/0,28 cm). Quels que soient les dimensions retenues, l’angle choisi, la recherche du détail et de l’expression démontrent la volonté d’approcher au plus près la réalité des scènes retranscrites.
• On ne sera donc pas étonné que les talents de José Simont soient reconnus au delà des frontières. C’est ce ce qui lui vaut de collaborer à d’autres grandes revues illustrées européennes, comme The Illustrated London News et la Berliner Illustrierte Zeitung, dans lesquelles on retrouve certains de ses dessins déjà publiés dans l’Illustration. Dans le même temps, sur le sol français, tout en donnant aussi des dessins à la revue Fémina ou au magazine Lectures pour tous, il reste sollicité pour la réalisation de compositions publicitaires.
JOSÉ SIMONT,
UN “ CHRONIQUEUR GRAPHIQUE”
PENDANT LA GRANDE GUERRE
(1914-1918)
• Lorsque la guerre éclate, le 2 août 1914, José Simont qui a conservé la nationalité espagnole, fait le choix de rester en France, alors qu’il aurait pu regagner en toute sécurité son pays natal resté neutre. Le fait de ne pas quitter Paris, ne signifie pas l’absence de prise de risques. À deux reprises, la capitale se retrouvera directement menacée. Une première fois dès les premiers jours de septembre 1914, lors de la bataille de la Marne, alors que le gouvernement s’est replié sur Bordeaux, et ensuite au printemps 1918, avec la reprise des grandes offensives allemandes. À ces temps forts, s’ajoutent les bombardements de Paris par les Zeppelins mais aussi par les obus tirés par des canons à longue portée. Certains tomberont même à proximité des locaux de L’Illustration.
• Pendant les quatre années de guerre, José Simont devient un véritable “ chroniqueur graphique ” qui, à plusieurs reprises, se rend directement sur le front, afin de mieux percevoir le quotidien des Poilus, avant, pendant ou après les assauts. Crayon en main, il réalise des croquis qui saisissent sur le vif des scènes de la vie des soldats, dont toutes ne trouveront pas place dans l’hebdomadaire. Un travail de longue haleine car, comme le note María Francisca Mourier-Martínez, « chaque dessin n’est pas un simple flash mais demande des heures et des heures d’observation ». José Simont n’est évidemment pas un observateur « neutre » mais il participe à sa manière à la vague patriotique et avec le temps, à l’entretien du moral, celui des soldats, comme celui des civils. Il n’est donc pas surprenant que ces dessins ne montrent guère les cadavres des soldats alliés mais qu’ils mettent en scène la capture des prisonniers allemands, les cadavres des soldats du Kaiser ou encore la brutalité du comportement des “boches”.
• L’Illustration donne peu d’informations sur la source qui permet à José Simont de réaliser ses dessins. En 4 ans, on ne trouve guère qu’une douzaine de précisions, la principale étant « dessin d’après nature”. On trouve aussi d’autres formules: “De notre envoyé spécial”, « d’après ses croquis” ou encore “d’après ses croquis et des documents photographiques”. Quelquefois, il lui faut reconstituer totalement des scènes : ce peut être “d’après le récit d’un blessé”, “d’après une lettre écrite par un commandant à un capitaine » ou encore « d’après un communiqué du correspondant de L’Illustration« .
Georges Scott, autre grande figure de L’Illustration (DP)
• Si José Simont est bien devenu un “chroniqueur des horreurs” du conflit, il le fait toujours avec un luxe de détails mais sans jamais se départir d’un sens certain de l’humanité, qui vise à exalter les vertus humaines. Ses dessins, insérés dans L’Illustration, voisinent avec ceux de “la brigade » des dessinateurs et peintres dont le magazine s’est assuré la collaboration régulière. Ils s’appellent Sabattier, Georges Scott, Lucien Jonas, André Devambez, Charles Fouqueray, Georges Leroux, François Flameng, Henri Gervex…et d’autres encore. Leurs œuvres, comme celles de José Simont, sont répandues bien au-delà du cercle des lecteurs de la revue, grâce à l’édition de cartes postales à vocation « patriotique ». C’est donc pour couronner ce combat “par le crayon”, que José Simont se verra décerner après guerre la Légion d’honneur.
• Pour mieux mesurer l’importance accrue de sa collaboration à L’Illustration durant ces années sombres, on pourra se reporter à l’étude qu’a réalisée María Francisca Mourier-Martínez “José Simont Guillen: Batallas pintadas de la primera guerra mundial ”. En dépouillant la totalité de la collection entre le 1er janvier 1914 et le 31 décembre 1918, elle avait recensé 47 grandes compositions en double page : 9 en 1914, 13 en 1915, 10 en 1916, 8 en 1917 et 7 en 1918. On les retrouve donc dans 15 à 20% des numéros. En réalité, les chiffres sont légèrement supérieurs, un examen détaillé des tables de la revue montrant qu’il manque à son inventaire une dizaine de dessins. Entre le temps passé au front et la finalisation de chacune des doubles pages, on mesure mieux le travail de José Simont qui, on l’a vu, n’hésite pas à reprendre plusieurs fois chacun de ses dessins. Au total, en 4 ans, ils auront rempli pas moins de 158 pages. On pourra en retrouver la liste intégrale en annexe.
• Dans cette masse de productions graphiques, qui font largement la part belle aux soldats et aux scènes du front, avec ses combats, on peut distinguer quelques grands thèmes. La vie culturelle et la vie mondaine qui constituaient avant 1914 une part importante des compositions de José Simont sont évidemment devenues minoritaires.
◘ EN MARCHE VERS LA GUERRE
• Dès le début de 1914, José Simont évoque la réception donnée à l’ambassade d’Allemagne, en présence du président de la république, Raymond Poincaré (31 janvier 1914). Mais la guerre paraissant inéluctable, il faut à nouveau conforter l’entente avec le Royaume Uni : le 25 avril, Raymond Poincaré, accompagnée de son épouse, reçoit à l’Élysée le couple royal britannique, le roi Georges V et la reine Mary, une scène que José Simont est chargé de traduire par l’image, au moment des toasts. Les événement s’accélèrent ensuite : après l’attentat de Sarajevo, on retrouve à la une de L’Illustration “Le vieil empereur (d’Autriche) et son jeune héritier” (4 juillet 1914).
• La marche vers la guerre se confirme, le 1er août 1914, avec “la note verbale de l’Allemagne, lorsque le baron de Schoen lit à M. Bienvenu-Martin, faisant l’intérim des affaires étrangères, une communication de son gouvernement approuvant l’Autriche”. Une fois la guerre déclarée, la diplomatie s’efface et il faudra attendre la fin de 1915 pour que José Simont représente sur double page “La conférence franco-anglaise de Paris” (27 novembre) suivie d’une “ séance de la conférence des Alliés présidée par M. Briand” le 1er avril 1916. Jusqu’en 1918, on ne retrouvera plus le thème de la diplomatie, au moins sous le crayon de José Simont.
Albert I et son épouse Elisabeth
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
Le roi Albert I au milieu de ses troupes, à Anvers
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• S’il est des souverains que les dessinateurs de presse se plaisent à stigmatiser, voire à ridiculiser, le Kaiser Guillaume II ou son fils le Kronprinz en tête, il en est d’autres dont L’Illustration salue le courage et le dévouement à la cause des Alliés. C’est le cas du roi Albert Ier de Belgique, le roi chevalier, qui a su faire face à l’invasion allemande, alors que son pays était neutre. Le 17 octobre 1914, José Simont le dessine “au milieu de ses soldats”, illustrant “ un épisode de la défense d’Anvers« .
• Deux semaine plus tard, c’est son épouse, “Elisabeth, reine des Belges » qui est à l’honneur à la une du magazine, toujours par le talent de José Simont. Le dessin est accompagné d’un extrait d’un article de Roland de Marès, publié dans Le Temps: “Elle est là-bas, avec le roi Albert, au milieu des troupes qui combattent. Elle est venue de ville en ville, de camp en camp, de tranchée en tranchée. Elle console de vivre et console de mourir; elle sourit, elle panse des blessures. Elle est toute la douceur et toute la pitié dans ce pays de Flandre (…) Reine errante, mais reine comme ne le fut jamais l’épouse du roi le plus puissant, elle symbolise toute la patrie meurtrie et qui ne veut pas mourir”.
◘ LES CIVILS
FACE À LA GUERRE
• Au premier semestre de 1914, L’Illustration s’intéresse encore à la vie mondaine et fait appel, comme par le passé, José Simont pour en rendre compte. C’est d’abord “ la glorieuse débutante, Sarah Bernhardt, notre grande tragédienne faisant sa première conférence”, après avoir reçu la légion d’honneur (24 janvier 1914). Une semaine après, José Simont immortalise les patineurs du Bois de Boulogne, qui “profitent des dernières heures d’un sport éphémère » (31 janvier). Peut-être que parmi ces mêmes patineurs, certains se retrouveront sur la composition en double page montrant “La rue de la Paix, six heures du soir (avec) le luxe même de la grande ville dans ses manifestations les plus séduisantes, les plus somptueuses” (14 février 1914). Après un passage par “ Le bal de l’Opéra, la renaissance d’une vieille tradition » (28 mars), José Simont reste au palais Garnier, avec “La saison russe à l’Opéra : la légende biblique de Joseph, transformée en ballet vénitien ” (23 mai 1914). Entre temps, le 18 avril, une double page a été consacrée à “La dernière mise en scène d’Antoine à l’Odéon”. Un mois avant que le conflit n’éclate, il est aussi question des épreuves sportives qui se sont déroulées à Reims, avec “Le miracle grec à Reims”, pour lequel José Simont s’est vu octroyer trois pages (4 août 1914).
• Après l’embrasement de l’Europe, ces futilités ne sont plus de mise. Il s’agit alors de montrer que l’ensemble des civils participe, chacun à son niveau, à l’effort de guerre. Dès le 5 septembre 1914, José Simont s’intéresse aux “Franciscaines à la moisson”. Dans le même numéro, il met en scène “les nouveaux après-midi de la Parisienne” : fini l’entre soi et les mondanités des réceptions à l’heure du thé. Désormais, les dames de la bonne société se mobilisent pour “la confection de layettes pour les bébés des combattants”. Une confection qui va bientôt concerner, à l’approche du premier hiver de la guerre, “Le tricot du combattant (24 octobre 1914).
Le tricot du combattant
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• Autre mobilisation, celle des finances pour soutenir l’effort de guerre. Dans le numéro du 31 juillet 1915, José Simont consacre 4 dessins à “La réponse des Parisiens à l’appel du ministre des finances : les versements d’or à la banque de France”. Il faudra y revenir, quatre mois plus tard, pour rappeler à propos du nouvel emprunt national que “L’épargne française, c’est elle qui nous aidera à combattre et à vaincre” (20 novembre 1915).
La réponse des Parisiens: le versement d’or
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• À propos de ces civils qui ne sont pas tous au front, José Simont montre que la guerre peut venir jusqu’à eux ou les toucher directement. C’est d’abord par l’image, qu’il y ont accès, avec une double page intitulée “Au cinématographe” : on y voit une foule de spectateurs regardant “les vues du front prises avec l’autorisation de l’état-major”… Une précision lourde de sous-entendus. (3 juillet 1915). Mais, c’est en 1916 que la guerre prend une toute autre dimension et devient une réalité, avec les bombardements sur Paris opérés par les Zeppelins. Une information que l’on ne peut passer sous silence. José Simont stigmatise les Allemands et “Leurs héros de l’air (qui) ont attaqué la forteresse Paris”, en montrant des victimes civiles (5 février 1916). Il y reviendra, le 27 octobre 1917, avec l’image encore plus forte du “plus jeune mutilé de la guerre”, un bébé de quelques jours blessé lors du bombardement d’une maternité. Face à ces raids aériens, la seule échappatoire est le refuge dans les caves, représenté en pleine page: “ Nuit d’alerte à Paris : une cave de famille” (23 mars 1918), “dessin d’après nature”, est-il précisé.
• Comme s’il fallait encore plus stigmatiser la lâcheté et la barbarie de telles attaques, José Simont y revient le 6 avril 1918 en évoquant “L’attentat allemand du vendredi saint : un obus dans une église de Paris ». On y voit Mgr Amette qui “fait le signe de croix sur les corps sanglants des innocentes victimes ”. Ces mêmes bombardements maltraitent aussi le patrimoine. Une occasion de dénoncer à nouveau la barbarie aveugle de l’ennemi germanique en montrant, le 15 juin 1918, “La statue d’un saint mutilé par l’obus allemand qui a atteint une église parisienne, le jour de la Fête-Dieu”. On passera sous silence le nombre de victimes civiles.
• Pourtant, la vie continue dans la capitale, ce que José Simont entend démontrer par une composition regroupant six dessins en double page, le 22 juin 1918. On y voit des voitures chargées de primeurs, un atelier de couture, une marchande de fleurs, une partie de tennis improvisée, ainsi que des concierges, plus vraies que nature, discutant sur le pas de leur porte ou, dans un genre différent, “l’allée des mamans et des bébés au parc Monceau”. Autant d’images qui auraient pu trouver leur place dans n’importe quel numéro d’avant guerre et qui prouvent que les Parisiens ne cèdent pas à la panique et entendent bien continuer à vivre. C’est du moins la version qui doit transparaître de ces dessins.
• Pourtant, le 17 février 1917, sur une double page, le dessinateur avait donné de “La place de l’Opéra à six heures du soir” une image bien différente de celle d’avant guerre. Autre conséquences du conflit, les déplacements des populations qui ont dû fuir les zones de combats. Leur retour peut être annonciateur d’une prochaine victoire. C’est pourquoi José Simont a été envoyé à Évian pour saluer « l’arrivée des trains de rapatriés”. Il en rapporte une série de 8 dessins dont deux sont publiés sur double page (12 janvier 1918) : “L’arrivée des rapatriés à Évian” et “Les rapatriés, en écoutant La marseillaise : on chante, on pleure, on crie ».
• Cette population dont il importe de montrer qu’elle reste unie face à l’ennemi, José Simont aura encore l’occasion de la représenter : le 26 octobre 1918, c’est “une petite Lilloise qui vient déposer un bouquet à la statue de Lille », la ville qui a subi l’occupation de l’armée allemande dès les premiers mois de guerre. Le 30 novembre 1918, trois semaines après l’armistice, la population se retrouve unie « lors du Te deum solennel à Notre-Dame de Paris, le 17 novembre 1918”. On est bien loin des affrontements des années 1905 et 1906, au moment des débats et du vote de la loi de séparation, qu’avaient traduits par l’image José Simont et d’autres dessinateurs de L’Illustration. L’année 1918 se clôt par l’envoi de José Simont à Strasbourg, d’où il rapportera un dessin publié en double page sur “ Les fêtes de Strasbourg avec le défilé alsacien” (9 décembre 1918). Des fêtes qui se prolongent dans le même numéro par trois autres dessins, “ d’après nature ” : “Une famille strasbourgeoise allant assister à l’arrivée du président de la république et de M. Clemenceau”, “Un pépère automobiliste qui fait le bonheur des petits Alsaciens” et “Une soirée alsacienne, à la halle des chanteurs ».
• L’Alsace est redevenue française, tout comme la Lorraine. La “revanche” est donc acquise, la boucle est bouclée. La vie mondaine peut donc faire sa réapparition avec “La réception du maréchal Joffre à l’académie française ” (28 décembre 1918). Une réception à laquelle José Simont n’a toutefois pu assister en raison de l’affluence qu’elle a suscitée et pour laquelle il devra se contenter de dessiner la foule qui se presse, sous la pluie, aux portes de l’Académie.
◘ L’ACTUALITÉ
POLITIQUE
• Entre janvier 1914 et décembre 1918, José Simont ne signe qu’une dizaine de dessins reflétant des épisodes de la vie politique. Trois d’entre eux s’inscrivent dans la période qui précède la grande guerre et concernent un épisode mêlant faits divers et actualité politique. Il s’agit de l’affaire Caillaux. Henriette Caillaux, l’épouse de Joseph Caillaux (1863-1944), ancien président du conseil, lors de la crise d’Agadir en 1911, député radical de la Sarthe, mais aussi ministre des finances, a abattu d’un coup de revolver Gaston Calmette, directeur du Figaro, dans les locaux du journal, en mars 1914.
• Dès le 21 mars, soit seulement cinq jours après les faits, L’Illustration peut présenter à ses lecteurs un dessin de José Simont. Intitulé “L’attente”, il montre “ Madame Caillaux, un revolver dans son manchon, (qui) attend M. Gaston Calmette au Figaro, le 16 mars ”. L’affaire secoue suffisamment la classe politique pour que le magazine y revienne à nouveau le 28 mars, par un autre dessin de José Simont : il met en scène “ la déposition de Louis Barthou, devant la commission d’enquête”. Dernière allusion à cette affaire que la guerre va reléguer au second rang, un troisième dessin signé par José Simont, publié le 1er août 1914. On y voit “ Une discussion parlementaire aux Assises » entre Joseph Caillaux et Louis Barthou, durant le procès de Madame Caillaux. Laquelle bénéficiera d’un acquittement.
• Une semaine plus tard, le 8 août 1914, on entre de plain pied dans le conflit avec la représentation sur double page de « la séance du 4 août à la chambre des députés », marquée par l’intervention de René Viviani, président du conseil et ministre des affaires étrangères. L’heure est désormais à l’oubli des divisions et donc à l’union sacrée.
• Cette guerre, qui s’inscrit dans la durée, demande d’importants efforts (sacrifices ?) aux ouvriers. C’est pourquoi, le 4 septembre 1915, José Simont représente “M. Albert Thomas (sous-secrétaire d’état à la guerre), devant M. Schneider et les directeurs du Creusot, en train de haranguer les ouvriers”. Il est venu marteler la nécessité de “l’union des classes dans les usines de guerre”. Le 13 novembre 1915, dans un supplément de quelques pages, L’Illustration demande à son dessinateur de traduire en image et sur double page, “La première réunion du ministère Briand à l’Élysée, 30 octobre 1915”.
• Au printemps suivant, le 16 mai 1916, José Simont met en scène, toujours sur une double page, “La commission sénatoriale de l’armée, lors d’une suspension de séance, avant l’audition des membres du gouvernement”. Le 8 octobre 1916, il immortalise par un dessin d’après nature “Un grand discours de M. Paul Deschanel (président de la Chambre des députés) à l’Institut ».
• Ce n’est que dans les derniers mois de 1918, alors que la guerre vient de s’achever, que José Simont renoue avec l’actualité politique : d’abord en représentant dans le numéro des 16-23 novembre, “ M. Clemenceau à la tribune de la chambre des députés, le 11 novembre”. Ensuite, ce sera, le 7 décembre suivant un dessin montrant “Le Ministre des finances (Joseph Klotz) annonçant à la chambre le succès de l’emprunt, avec, à la tribune présidentielle, M. Deschanel ». Dès le début de 1919, la conférence de la paix et la signature du traité de Versailles, ainsi que l’élection du nouveau président de la république, l’éphémère Paul Deschanel, vont donner à José Simont l’occasion de confirmer ses talents de “reporter graphique”.
◘ LES LECTEURS SUR LE FRONT
• AU CŒUR DE LA BATAILLE…
• Si José Simont s’est montré peu actif sur les péripéties de la vie politique, il a en revanche beaucoup œuvré à la réalisation de dessins représentant des scènes militaires, entre les temps forts des grandes batailles et la vie des soldats, le tout dans les limites permises par la censure militaire.
La bataille des Flandres et le fléchissement des masses allemandes
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• La toute première scène de combats, que réalise José Simont sur double page, le 28 novembre 1914, concerne “la bataille des Flandres, (avec) le fléchissement dans les masses allemandes“. Après la très meurtrière bataille des frontières et l’échec allemand dans la bataille de la Marne, il importe de montrer que l’armée française tient bon face aux assauts allemands. Quatre mois plus tard, le 20 mars 1915, une double page traite d’un épisode particulier : “ L’assaut de la position allemande, dite fortin de Beauséjour ». Le dessinateur y revient dans le numéro du 3 avril 1915 mais, cette fois-ci, pour mettre en valeur un combattant, “Le marsouin Mathieu Jouy au fortin de Beauséjour ». Une manière de rappeler que la force de l’armée réside d’abord dans le courage et l’ardeur au combat de chacun. Dans le même numéro, une grande composition traduit “La prise de l’éperon sud de Notre-Dame de Lorette par un bataillon du 158ème RI”. Le 31 juillet 1915, il met en image “Un nouveau Sidi-Brahim : les chasseurs de l’Hilsenfirst”.
L’attaque du fortin de Beauséjour (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
Aux Éparges...(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
Un nouveau Sidi-Brahim
(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• Ce courage peut aller jusqu’au sacrifice pour la patrie, ainsi que le suggère un dessin publié le 1er mai 1915. Intitulé “Le sacrifice”, il montre “Dans la tranchée, le soldat (qui) pense à ceux qu’il ne reverra peut-être jamais”. Mais, maintien du moral oblige, il n’en sera heureusement rien. La page en vis-à-vis met en scène “La récompense : à l’hôpital, le glorieux blessé retrouve les siens”. Autre illustration du courage, ce soldat qui “est allé chercher sous le feu son chef de section” et que José Simont montre portant l’officier sur ses épaules (5 juin 1915). Dans le numéro du 30 octobre 1915, on assiste à “une scène entre vaillants (…). La poignée de main échangée, en plein assaut, entre un capitaine blessé et son chef de bataillon”, dont l’article nous apprendra que, depuis, il est mort au combat. José Simont a reconstitué la scène à partir des extraits d’une lettre écrite par le commandant.
Entre vaillants…(éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• Ces scènes, forcément victorieuses, on en retrouve de nombreuses autres au fil des combats qui s’éternisent et qui nécessitent donc d’entretenir la flamme patriotique : le 20 novembre 1915, une double page raconte “Comment fut prise le 25 septembre une des pièces allemandes de 77”. Chaque avancée se fait au prix de combats violents, comme “La lutte pour l’entonnoir » (15 avril 1916). L’armée française entend bien ne céder aucun pouce de terrain face à l’armement allemand. Le 1er juillet 1916, José Simont met en scène “La riposte française au 420 (un obusier) allemand”.
La récolte des prisonniers, après la bataille (éditions A.Noyer – Galerie patriotique) © Simont
• Dans ces batailles, une arme nouvelle va jouer un rôle capital : il s’agit des chars d’assaut. Après avoir montré le début de retraite allemande entre Arras et l’Aisne (“Les Français !”, 24 mars 1917), José Simont dessine sur double page “ Notre artillerie d’assaut : Les français dans les lignes allemandes” (12 mai 1917) et il y revient le 8 septembre 1917 pour montrer, toujours sur double page, “l’intérieur d’un char”. Le 20 avril 1918, alors que les offensives allemandes sur le front ouest ont repris, José Simont reconstitue “La contre attaque française, d’après le récit d’un témoin ”. Lorsque les combats sont provisoirement achevés, vient l’heure de “La récolte des prisonniers” allemands (23 octobre 1915). On est toutefois obligé de reconnaître que l’ennemi capture aussi des soldats français. José Simont leur consacre une série de 8 dessins (21 août 1915), montrant “Le camp de Langensalza en Saxe, camp de prisonniers de guerre français et russes », le tout réalisé « d’après les croquis de l’auteur du texte ».
• UNE CERTAINE IMAGE
DES SOLDATS COLONIAUX …
• Dans les colonnes de l’Illustration, on n’oublie pas que les colonies ont été également mises à contribution lors de la mobilisation. À deux reprises, José Simont les évoque. C’est d’abord le numéro du 9 janvier 1915 qui présente en couverture un soldat sénégalais, sur son lit d’hôpital, face à deux infirmières, avec le titre suivant : “Y a bon ! Kiki Taraoré qui a donné son sang pour la France reçoit ses étrennes ”. Une légende parfaitement dans l’air du temps, qui a peut être inspiré ultérieurement un célèbre slogan publicitaire, le fameux « Y a bon Banania », accompagné d’une tête de Tirailleur sénégalais.
• Les colonies, ce sont aussi les territoires musulmans qui fournissent leurs lots de combattants. C’est à eux que s’intéresse José Simont, le 25 septembre 1915, avec une série de 6 dessins, “illustrations d’après nature”, consacrées à “ Nos convalescents musulmans, à Royan”. Après ces dessins, José Simont ne reviendra plus sur le sort des soldats issus des colonies. Au sein de l’armée, il existe par ailleurs la légion étrangère et, le 5 janvier 1918, José Simont rend hommage aux légionnaires espagnols, bien décidés à ne pas céder ni reculer face à l’ennemi. Une détermination qu’ils résument en usant de la formule ‘No pasaran !”. Il est précisé que le dessin montrant les glorieux soldats espagnols a été réalisé « d’après les croquis pris au banquet de la fourragère rouge offert aux espagnols de la légion étrangère”.
• L’ÉLOGE DES SOLDATS ALLIÉS…
• José Simont n’est pas avare d’éloges à l’égard de nos Alliés, à commencer par les soldats britanniques qui eux aussi puisent dans leurs colonies : le 20 février 1915, il met en image “Un épisode de l’arrivée des troupes de l’Inde en France, avec un détachement de lanciers Bengale, à Orléans, devant la statue de Jeanne d’arc”. Un choix qui est tout sauf innocent. À partir de 1916, les dessins à la gloire des Tommies se font plus nombreux : “L’armée britannique dans le nord de la France” (série de 6 dessins, 22 avril 1916) ou “En Picardie : Tommy vainqueur des Huns” (29 juillet 1916) confirment la part très importante que les sujets de Georges V prennent aux combats. Dans ce dernier article, il est précisé : “On sait que nos alliés disent “les Huns” comme nous disons les boches”.
• Le 23 septembre, le lecteur peut assister aux “corps à corps des Devil’s Wood”, tandis que le 2 décembre 1916, José Simont compose sur deux pages “ Un des plus extraordinaires spectacles de cette guerre : les tanks britanniques sur le front de Somme”. Ces mêmes tanks, il les montre en train de surprendre les artilleurs allemands devant Cambrai (1er décembre 1917). Le 23 mars 1918, autre décor, mais bien plus paisible, avec “Le club des permissionnaires britanniques », une série de trois dessins d’après nature.
• On n’oubliera évidemment pas le rôle capitale de la Royal Navy, avec le 8 mai 1917, un dessin représentant “Le retour des destroyers à leur base navale après un combat de nuit”, le titre précisant que “ le marin anglais a le sourire ». Une guerre navale “noble” qui s’oppose frontalement à la “guerre navale allemande (en raison de laquelle) : plus de 40 enfants ont péri dans le torpillage du Lusitania », ainsi que le montrait le dessin de José Simont publié le 15 mai 1915.
La charge des Cosaques de l’Oural (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• D’autres soldats alliés sont mis à l’honneur. Le 10 avril 1915, “La nuit de Borinow (avec) les projecteurs (qui) éclairent les corps amoncelé des allemands » rappelle que la guerre se déroule aussi à l’Est et que l’allié russe y joue un rôle essentiel. Le 19 août 1916, c’est l’allié italien qui est glorifié sous le crayon de José Simont avec l’épisode du “passage à gué de l’Isonzo par l’infanterie italienne”. Un extrait d’un article du Corriere della Sera rappelle que “vers 2 heures (le 8 août) on vit les premiers pelotons descendre à travers les buissons de la rive droite. Les basses eaux permettaient le passage à gué. Avec de l’eau jusqu’à la poitrine le fusil levé dans le geste de la fantasia arabe, les soldats criaient et, sous les obus de l’ennemi s’efforçaient de se dépasser pour atteindre les premiers l’autre rive…». Pour la Roumanie qui a rejoint le camp des Alliés en 1916, José Simont dessine “Un diplôme destiné à être offert aux donateurs qui viendront en aide aux soldats et aux population de la Roumanie », diplôme dont la reproduction est publiée le 17 mars 1917.
• 1917, c’est l’année où les Etats-Unis, à leur tour, rejoignent les Alliés. Il faut toutefois attendre le 2 mars 1918 pour que José Simont dessine l’image de “Sammy (qui) qui ramène ses premiers boches”. Dans le numéro du 13 juillet 1918, veille de la fête nationale française, José Simont reconstitue “les fête de l’Independence Day », le 4 juillet, avec en supplément deux croquis montrant “Une fête au club des soldats et marins américains à Paris”. Les Sammies semblent jouir d’une grande popularité auprès des civils français qui accourent en masse pour les acclamer lors d’un “ passage d’Américains, un dimanche, dans une gare de la banlieue parisienne” (3 août 1918). Le 21 septembre 1918, on les retrouve avec trois croquis montrant “Les Américains au village”. Au-delà de tous ces hommages particuliers, José Simont montre aussi que la France entend bien sûr réunir tous ceux qui la soutiennent : le 20 juillet 1918, il dessine sur double page “Le 14 juillet des alliés : les drapeaux des 10 présentés à la prise d’armes et au défilé du 14 juillet”.
◘ LA VIE QUOTIDIENNE
DES SOLDATS
• Un autre aspect essentiel auquel s’intéresse José Simont, c’est celui de la vie des soldats, au front, pendant ces longs temps “morts” qui succèdent aux attaques. C’est aussi le temps passé à l’arrière, lorsqu’ils sont en permission ou soignés dans les hôpitaux.
• MAINTENIR LES LIENS
AVEC LA FAMILLE ET LES PROCHES
• Pour maintenir le contact avec ses proches (parents, fiancée, amis…) le Poilu écrit beaucoup. Dans le numéro du 13 février 1915, José Simont publie face à face deux grands dessins intitulés “La lettre du front” : d’un côté “Celui qui l’écrit”, de l’autre, “Ceux qui la lisent”. Deux dessins qui feront l’objet de deux cartes postales, inaugurant une série qui reprendra d’autres dessins de José Simont, mais aussi de Louis Sabattier ou de Georges Scott. Même ceux qui ne lisent pas L’Illustration auront accès à leurs productions iconographiques.
La lettre du Front: ceux qui la lisent (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
Le “filleul”, chez sa marraine de guerre (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• CAMARADERIE
ET AMITIÉ, AU FRONT
• La camaraderie au front est un autre élément mis en scène par José Simont : avec “ Bleuets et briscards” (9 septembre 1916), on voit “l’ancien” accueillir le nouveau et l’épauler dans sa découverte de l’univers des tranchées. Avec “ On ne s’était pas revus depuis Douaumont” (16 décembre 1916), on assiste aux retrouvailles entre un blessés et un soldat valide. La camaraderie peut se muer en “Une solide amitié nouée devant Château-Thierry” (3 août 1918). Sous cette image, on peut lire : “Aux lisières du bois de Belleau, en mai, ils se sont rencontrés pour la première fois, lui, le robuste chevronné de tant de combats depuis 1914, plusieurs fois blessé, et son nouveau frère d’armes, le «bleu» en kaki, agile et souple; l’ancien a apprécié au feu le belle attitude de son cadet; ils furent légèrement blessés côte à côte. Aussi, le hasard favorable remettant en présence sur l’asphalte parisien nos deux combattants, l’un déjà guéri, prêt à repartir, l’autre encore convalescent, c’est aussitôt d’un même élan la poignée de main sans réserves, cordiale et chaleureuse, avec la réciproque constatation: «— Qu’est-ce qu’ils ont pris, sur la Marne! ».
• Au sein des familles, on ne cache pas la fierté de compter dans ses rangs un héros : le 23 juin 1917, un dessin montre cette “fierté maternelle : devant le palais de la légion d’honneur, une vieille maman de la campagne au bras du nouveau légionnaire ».
• Autre famille comblée, celle représentée le 15 septembre 1917 parce qu’elle a vu arriver en même temps “Trois permissionnaires”. Ces soldats dont beaucoup passent par Paris pour rejoindre leur province, en profitent pour arpenter les rues de la capitale, offrant le spectacle insolite des “ Boulevardiers de 1916” (29 janvier 1916). C’est ce que José Simont appelle “La trêve des confiseurs (avec) l’homme des tranchées venu en permission (qui) a retrouvé ses obligations d’homme du monde” (8 janvier 1916).
Les boulevardiers de 1916 (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
• Ce temps apaisé peut être aussi mis à profit pour rencontrer ceux qui ont fait la guerre de 1870. C’est l’objet d’un dessin publié le 25 mars 1918 : “Au cercle militaire : ceux de l’autre guerre”.
Ceux de l’autre guerre (éditions A.Noyer -Galerie patriotique) © Simont
je suis moi aussi fasciné par ses dessins, possédant la collection complète de l’illustration 1914 a 1918 je m’amuse a numériser tout ses dessins
tache assez lourde mais passionnante et effectivement il mériterait
que l’on lui dédit un ouvrage
amicalement
J’aimeJ’aime
Un grand merci d´avoir publié cette article. Cela fait plus de 20 ans que j´avais découvert les illustrations de J. Simont et entre temps il me semblait presqu´impossible de découvrir plus sur sa vie. Une chose qui me semblait tres remarquable vue l´importance de son oeuvre pendant la Grande Guerre.
J’aimeJ’aime
Cher Monsieur,
Je viens de lire votre article sur Jose Simont Guillen et l’Illustration.
Or, il se trouve qu’il a exécuté un portrait de ma mère, au crayon, dans les années 40, qu’il lui a dédicacé et signé « Simont ».
Ma mère, Madeleine Malthête-Méliès, est la petite-fille de Georges Méliès.
Jose Simont avait un frère, Antonio, dit « Toto », dont nous avons plusieurs toiles et un paravent décoré par lui.
Je possède chez moi un portrait de mon père, à l’huile, exécuté par lui.
« Toto » avait un appartement/atelier de peintre au 40, rue Lauriston, dans le 16e (cette impasse n’est en fait constituée que d’ateliers de peintres). La guerre d’Espagne terminée, il est retourné dans sa terre natale, laissant l’appartement et tout ce qu’il contenait à mon père; il n’est jamais revenu et n’a plus jamais donné signe de vie.
Mon père a été arrêté à cette même adresse en 1940 par la Gestapo (qui n’était pas très loin, dans la même rue), interné à la prison du Cherche-Midi, puis à Fresnes.
Nous avons habité à cet endroit jusqu’à fin 1953.
Espérant que ce côté anecdotique vous intéressera,
Je vous prie de croire, char Monsieur, à l’expression de mes meilleures salutations.
J’aimeJ’aime
Passionnant! Et que de souvenirs pour moi. Ayant grandi a New York, j’ai eu le plaisir de connaitre Marc Simont, le fils de Jose, et aussi un tres grand illustrateur. Il y a deux semaines j’ai eu la visite en France du petit-fils de Jose, Sumner Ireland, un ami d’enfance, qui cherche desesperement a retrouver les originaux des illustrations de Jose.
Nous avons bien vu que les archives de L’Illustration ont ete declare Tresor National, ce qui est merveilleux.
Notre question: comment proceder pour pouvoir voir les originaux? Ou sont-ils, qui les gere, etc…..
En vous remerciant d’avance pour toute aide que vous pourriez nous apporter, et pour votre travail pour conserver la memoire d’un grand artiste.
J’aimeJ’aime