JOSÉ SIMONT, TROIS DÉCENNIES D’ILLUSTRATIONS… À L’ILLUSTRATION: II- LES ANNÉES 1919-1968

MISE À JOUR : 21 NOVEMBRE 2022

Jean-Paul Perrin

 

José   SIMONT GUILLÈN

alias José SIMONT  (1875-1968)

Trois décennies de dessins et d’aquarelles

pour le magazine L’Illustration

José Simont (caricature publiée dans La vanguardia espanola, 17 novembre 1957)
José Simont (caricature publiée dans La Vanguardia espanola, 17 novembre 1957)

                     

-II-

LES ANNÉES 

1919 -1968

 

• Avec André Galland, Géo Ham, Louis Sabattier ou Georges Scott, José Simont a été un des principaux dessinateurs de l’Illustration, aux grandes heures de l’hebdomadaire entre 1900 et 1944, durant « l’ère des Baschet. »Entre dessins et aquarelles, son style a durablement marqué les pages du magazine. On sait toutefois moins de choses sur ce que fut sa vie, avant qu’il n’arrive d’Espagne  à Paris, presque en même temps qu’un autre futur (très) grand nom de la peinture, Pablo Picasso. De même, on a un peu oublié ce que fut son parcours après 1944, jusqu’à sa disparition, en 1968, au Venezuela. Aujourd’hui son pays natal semble le redécouvrir, en lui consacrant des expositions.
• Après  un premier article   qui retraçait son parcours, depuis sa naissance à Barcelone en 1875,  jusqu’à la fin  de la première guerre mondiale, en 1918, ce  second  article évoque  les années 1919-1968, entre le retour à la paix et la disparition de José Simont, survenue à Caracas. Un demi-siècle pendant lequel José Simont continue de séjourner en France, avec une parenthèse américaine d’une dizaine d’années. De retour des États-Unis, en 1932,  il restera en France  jusqu’en 1947. Cette année-là, il choisit de renouer avec  son Espagne natale, avant de terminer ses jours  au Venezuela. Près de cinq décennies pendant lesquelles il n’a cessé de dessiner et de peindre.
• Enfin, sur ce même blog, on pourra retrouver la liste des œuvres de José Simont publiées dans L’Illustration, entre 1902 et 1944.

© Jean-Paul PERRIN

Contact: perrinjp@sfr.fr

◘ 1919: LE RETOUR À LA PAIX

• Malgré la fin des hostilités, l’activité de José Simont ne faiblit pas. Pour la seule année 1919,  ses dessins figurent  dans 28 numéros, dont le numéro double des 19-26 juillet dédié aux fêtes de la Victoire. Exceptionnellement, on a décidé de remplacer l’immuable couverture, sans lien avec l’actualité, par une couverture illustrée, pour laquelle on a fait appel à José Simont.
• Dans le détail, les œuvres de José Simont sont présentes 9 fois à la une de l’hebdomadaire. Dans les pages intérieures, on dénombre 14 compositions en double page et 8 en pleine page. Il faut y ajouter trois autres dessins. Avec le retour à la paix, une transition s’établit progressivement dans les thèmes, l’année 1919 pouvant être considérée comme l’année de transition.

• LES SÉQUELLES DE LA GUERRE

• Le retour à la paix signifie d’abord  la disparition des grands thèmes guerriers qui ont meublé les années 1914-1918. Toutefois plusieurs dessins de José Simont font référence aux “séquelles” de la guerre. Le 4 janvier, la une  représente un groupe de soldats  de retour chez eux : “On est de la classe !”, s’exclament-ils.  Pour faire bonne mesure, la semaine suivante, c’est le retour des prisonniers dans leurs familles qui est mis en scène par José Simont. Le 5 juillet, il dessine Georges Clemenceau, serrant la main de soldats mutilés, avant la signature du traité. Enfin, le 8 novembre, on veut célébrer “Le jour des morts au front », avec l’image d’une famille qui a retrouvé la tombe du père dans un petit cimetière militaire en Champagne.
• La fin du conflit peut aussi laisser éclater les revendications sociales qui avaient été mises sous l’éteignoir. José Simont ne les traite qu’à deux reprises : le 14 juin, il met en image à la une de L’Illustration “La grève des transports en commun à Paris”. Le 21 juin, il se contentera d’une demi-page pour montrer “Pendant la grève des transports : une station du Métro gardée militairement”. Un indice qui démontre que ces grèves, dans le contexte de 1919, se révèlent particulièrement dures…et sans doute aussi  très redoutées par le lectorat de l’hebdomadaire.

 

•  CONFÉRENCE DE LA PAIX ET 

FÊTES DE LA VICTOIRE

• 1919, c’est avant tout les négociations entre les 4 grands vainqueurs, dans le cadre de la conférence de la paix, ouverte en janvier à Paris. Suivront la signature du traité de Versailles et les fêtes de la victoire. Autant d’événements pour lesquels plusieurs grandes signatures de l’Illustration se retrouvent mobilisées (Sabattier, Scott…) au côté de José Simont. Le 25 janvier, une double page montre la réception du président Wilson  dans la grande salle de conférences du palais du Luxembourg.
• La semaine suivante, le 1er février, toujours en double page, José Simont dessine le même Wilson à la tribune de la chambre des députés. Outre le rôle joué par les Etats-Unis pendant le conflit, il s’agit peut-être aussi de marquer la portée historique de l’événement : c’est la toute première fois qu’un président des Etats-Unis fait le déplacement en Europe. La préparation du traité de paix a mobilisé les journalistes  du monde entier, ce que suggère les dessins publiés le 8 mars et montrant  “le cercle de la presse étrangère à l’hôtel Dufayel”.
• En feuilletant les pages de l’Illustration, on comprend bien que tous les vainqueurs ne sont pas à égalité. Clemenceau reste particulièrement sollicité, comme le montre le dessin publié le 1er mars et intitulé “Rue Franklin : le registre des visiteurs au domicile de Clemenceau”. Certes, on mentionne bien, le 12 avril, “ Une visite du roi des Belges au conseil des Quatre”, mais les dessins de José Simont traduisent parfaitement la prépondérance des 4 grands (Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando) : le 29 mars, il dessine ainsi  en une “Les Quatre et le maréchal Foch”. Pour une information qui soit complète, il n’est pas envisageable de ne pas représenter les délégués  de l’Allemagne vaincue.
• Le 10 mai, alors qu’un dessin montre  “une séance plénière dans le salon de l’horloge, au ministère des affaires étrangères”, José Simont a essayé de saisir  “Les plénipotentiaires allemands devant les Alliés” mais on précise que le croquis a été fait, “de la place qui lui avait été attribuée dans un angle de la salle du Trianon Palace”. Ce qui explique que l’on ne voit ces délégués que de dos. En fait, José Simont n’a pas  été mandaté seulement par L’Illustration. Devant le nombre réduit de cartes dévolues à la presse parisienne (4 ou 5 seulement), pour assister à la séance au cours de laquelle devaient être transmises aux plénipotentiaires allemands les conditions des préliminaires de paix,  le syndicat de la dite presse avait élevé une protestation.

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• Il avait notamment demandé qu’une carte supplémentaire soit attribuée “à M. Simont, dessinateur, dont l’œuvre (serait) communiquée intégralement à tous les journaux dans la soirée du vendredi” (9 mai). Si la demande a été finalement  acceptée, on n’a donné  à José Simont qu’une place peu favorable pour saisir les réactions des délégués allemands, découvrant les préliminaires de paix. Heureusement pour les lecteurs, il se rattrapera dès le 17 mai, avec à la une un dessin montrant “Messieurs les plénipotentiaires allemands (au moment de leur) introduction dans la salle du Trianon Palace”,. Un dessin d’après croquis, précise la légende.

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L’instant solennel de la signature du traité de Versailles

• L’apothéose, c’est bien sûr la signature du traité de paix  et dans le numéro du 28 juin, José Simont représente (par anticipation)  “la bonne alerte : l’alerte de la paix”, en référence aux sirènes qui vont retentir, non pas pour avertir d’une attaque aérienne mais du début de la séance de signature. Afin de pouvoir rendre compte des fêtes de la victoire, L’Illustration a fait le choix de publier un numéro double, portant les dates des 19-26 juillet. Outre “La fête de la victoire”, personnifiée par un Poilu, avec les noms de grandes batailles en arrière plan,  José Simont signe deux autres grandes illustrations en pleine page. Sur la première, on voit “ Le président du conseil municipal (qui) remet  au maréchal Joffre la première des trois épées d’honneur offertes par la ville de Paris aux maréchaux”. Sur la seconde, il évoque “le pèlerinage des mères, des veuves, des orphelins devant le cénotaphe à l’angle de l’Étoile et des Champs Élysée”. Un hommage final à tous les combattants disparus. Bien des années plus tard, José Simont confiera que, parmi ses innombrables dessins, ceux liés à la conférence de la paix avaient sans doute  été les plus difficiles à réaliser.
• La victoire ne serait pas complète sans le retour de l’Alsace et de la Lorraine dans la communauté française. C’est chose faite le 29 novembre avec un dessin en double page intitulé “ La réouverture officielle de l’université de Strasbourg redevenue française”. Le 13 décembre, c’est “Une minute d’histoire” qu’est chargé de traduire José Simont, avec “ les représentants de l’Alsace Lorraine (qui)  font leur rentrée à la chambre française, le 8 décembre”.
• On notera par ailleurs que la religion reste bien présente dans les pages de L’Illustration où l’on avait déjà évoqué le grand Te Deum à Notre – Dame de Paris, peu après la victoire. Cette fois-ci, José Simont se voit confier un double page, le 25 octobre,  pour rendre compte de   “La consécration de la basilique du Sacré-Cœur”, qui a eu lieu 9 jours plus tôt.

• UN RENOUVEAU

DE LA VIE MONDAINE

• Au fil des mois de cette première année de paix, José Simont renoue avec ses grandes compositions miroirs de la vie mondaine, un genre dans lequel il excellait avant guerre. Dès le 7 juin, il présente sobrement  “Une matinée au Bois ». Il faudra attendre le second semestre pour que ce thème gagne de l’espace dans les pages de L’Illustration : “Une heure de musique(16 août), “La leçon de danse en famille (6 décembre), “Les vacances en Haute-Savoie : la première crevasse” (13 septembre), “ Un mariage à la campagne” (20 septembre), suivis de l’évocation des “derniers beaux dimanches : les bords de l’eau sur les rives de la Seine” (27 septembre) et de “L’automne à Versailles : promenade autour du bassin de Bacchus(1er novembre). Autant de sujets futiles qui avaient quasiment disparu depuis l’été 1914.

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La mode à nouveau captée par José Simont en 1921 (© Simont)

• Il est également temps de revenir au théâtre, ce que fait José Simont à deux reprises avec “L’Hérodienne à la Comédie française” (22 novembre) et “Œdipe Roi de Thèbes au Cirque d’hiver” sur une double page (27 décembre).

 

◘ 1920-1921: UNE PRÉSENCE

PLUS RARE DANS L’ILLUSTRATION

• À partir de 1920, la présence de José Simont dans les pages de l’Illustration se fait plus rare. Il est vrai que, lorsqu’on feuillette le magazine, on constate que  la photographie devient plus abondante au détriment des dessins. En 1920, la dernière année complète de sa collaboration à l’hebdomadaire illustré, il ne donne que 16 dessins, dont 4 à la une, 3 en double page et 2 en pleine page. Cette année-là, l’élection de Paul Deschanel à la présidence de la république le mobilise à trois reprises : le 24 janvier, il réalise 3 dessins sur l’élection proprement dite : “Sur les marches du Palais de Versailles pendant le scrutin”, suivi de “L’investiture” et du “retour du nouveau président et de sa famille à Paris”.   Un mois plus tard, le 21 février, L’Illustration s’orne en couverture d’un portrait de Mme Deschanel et, à l’intérieur du magazine, figure le portrait quasi officiel de Paul Deschanel, en double page. José Simont est venu spécialement au palais de l’Élysée pour sa réalisation. Une occasion pour le dessinateur d’échanger avec lui sur l’actualité, notamment sur le traité de Versailles.
• Des années plus tard, José Simont confiera que le président  considérait alors que, avec ce traité, on était en train de préparer une nouvelle guerre… Le  18 septembre, Paul Deschanel reviendra à la une de L’Illustration, à propos de la crise présidentielle : ce dernier vient de présenter sa démission en invoquant « des raisons de santé », sur lesquelles la presse avait beaucoup glosé. Pour l’occasion, le magazine publie une “étude au fusain exécutée d’après nature par José Simont pour le grand portrait reproduit dans L’Illustration du 21 février 1920”.
• Les difficultés financières de la France qui attend que l’Allemagne paye, sont toujours bien présentes. En atteste un dessin publié le 28 février : “Dans la grande salle de la Bourse, M. François-Marsal, ministre des finances lance un appel en faveur du 5è emprunt, l’emprunt de la paix”. Après le temps des “ emprunts de guerre ou de la défense”, voici donc venu celui des “emprunts de la paix”. Dans le numéro du 24 juillet, on renoue avec le souvenir du Second Empire : un dessin de José Simont montre “L’arrêt de quelques heures  à Paris du cercueil de l’impératrice Eugénie, transporté de d’Espagne en Angleterre”.
• Le reste de sa production graphique porte sur le théâtre et sur la vie mondaine,  avec, le 10 avril, une couverture qui salue  “La réapparition de notre grande tragédienne : Mme Sarah Bernhardt dans Athalie”. Dans le numéro du 6/13 mars, alors que les imprimeries parisiennes sont en grève, y compris celle de l’Illustration, il est question du “plus précoce des printemps (et de la) première visite à la maison de campagne”…Le 12 juin, José Simont renoue avec un lieu et un moment qu’il a déjà évoqués  à plusieurs reprises avant guerre, “ Au bois le matin”. Le tout suivi dès le 19 juin par une double page sur “Le restaurant où l’on danse”. Le thème de la danse reviendra d’ailleurs le 11 septembre dans un article intitulé “Danse et rythme” pour lequel José Simont a composé une double page intitulée  “Danses et jeux rythmés dans un parc français”. L’année 1920 se termine pour le dessinateur par la publication à la une, le 9 octobre, d’une représentation de l’inauguration, aux Sainte-Maries-de-la-Mer d’une statue dédiée à Mireille.
• En 1921, les contributions de José Simont se font encore plus rares, pour cause de départ pour les Etats-Unis. Sa signature n’apparaît que 7 fois, dont une fois en couverture et une fois  en double page. Quant aux dessins en pleine page, on n’en compte plus que 2. Avant de  traverser l’Atlantique, il est présent au Palais présidentiel  pour représenter “La première grande réception à l’Elysée depuis 1914 : le cardinal Dubois, archevêque de Paris” (5 février). Une semaine auparavant, les lecteurs de l’Illustration avaient pu retrouver sous son crayon Raymond Poincaré et Aristide Briand reprenant  “Une conversation interrompue depuis 1917”. Dans la lignée de ses grands portraits, L’Illustration publie le 16 avril, celui d’Édouard Branly. Ce sera son ultime dessin réalisé en France, avant la grande parenthèse américaine.
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José Simont, Una Joven (© Simont)

 

◘ LA PARENTHÈSE AMÉRICAINE

(1921-1932)

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José Simont à New York, au milieu des années 1920

• Au terme de près de vingt ans de collaboration avec L’Illustration, sous l’autorité de René Baschet, José Simont décide de donner une nouvelle orientation à sa carrière. Outre de meilleures conditions matérielles et financières, peut-être souhaite-t-il aussi s’échapper du traitement de l’actualité à chaud, qui nécessite un travail intense pour rendre ses dessins à l’heure.  En 1921, avec son épouse et son fils Marc, né en 1915,  il embarque au Havre à destination de New York où il arrive le 13 février, à bord du bateau France. Alors qu’il ne devait y séjourner  que quelques mois, il va y rester jusqu’en 1932. Sa réputation artistique ayant franchi les frontières, plusieurs revues souhaitent s’attacher sa collaboration et lui font des propositions alléchantes en terme de rétribution. C’est ainsi que la revue Collier’s lui proposera de signer un contrat qu’on peut qualifier de “fabuleux », lui assurant  10.000 dollars de revenus par an.
 • Son installation outre Atlantique ne signifie pas pour autant qu’il ait rompu tout lien avec L’Illustration. Dans le numéro du 10 décembre 1921, il est question de la conférence de Washington pour laquelle la France a délégué, entre autres, Aristide Briand et René Viviani.  Pour l’occasion, l’article de François de Tessan est accompagné de 3 dessins “d’après nature de José Simont, notre correspondant spécial”. L’un représente “le secrétaire d’état Hugues (qui) lit le programme de limitation des armements navals”, l’autre  “Le grand discours de M. Aristide Briand à la séance du 21 novembre”. Entre les deux, figure un dessin en double page donnant un panorama de “ La conférence de Washington en séance plénière et publique”.
• Dans l’introduction de l’article, L’illustration donne quelques explications sur la présence de José Simont dans ses colonnes dont il a été absent depuis 10 mois : “Notre collaborateur, François de Tessan qui faisait partie de la délégation française à Washington vient de rentrer en France  sur “Le Paris”, avec M. Aristide Briand. Il nous a rapporté en même temps les dessins de José Simont. Celui-ci, que d’importants travaux ont appelé depuis plusieurs mois en Amérique où les éditeurs – qui ont admiré dans notre journal ses illustrations de romans, ses portraits, ses dessins de guerre et ses magnifiques compositions sur la conférence de la paix – se disputent aujourd’hui ses productions. Il a assisté  aux séances de Washington  comme correspondant artistique spécial de L’Illustration”. Le 17 décembre, deux nouveaux dessins de José Simont sont publiés. On y voit “M. Viviani, chef de la délégation française à Washington, depuis le départ de M. Briand”, ainsi que “M. Balfour parlant à Washington”.

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• Il semble bien  que, pendant sa décennie américaine, José Simont soit revenu en France. On peut le penser en consultant le numéro de l’Illustration daté du 27 septembre 1924. On y trouve un long article de Robert de Beauplan intitulé “Un sport où la France commence à se distinguer : le golf”.  Le texte est rehaussé par une série de 7 illustrations signées par José Simont et qui ont pour thème le golf de Saint-Cloud, l’ensemble ayant été vraisemblablement réalisé “d’après nature”.

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•  Outre Atlantique, les principales revues qui font appel à José Simont sont pour la plupart centrées sur la mode et l’art de vivre, le fameux “american way of life”, qui s’impose en pleine ère de la prospérité. Elles publient aussi des nouvelles ou des contes que José Simont va illustrer avec autant de talent qu’il le faisait pour la Petite illustration. Disposant d’une diffusion et  de revenus publicitaires importants, elles peuvent proposer des conditions matérielles très intéressantes à leurs collaborateurs.  Entre 1922 et 1932, on retrouve donc son nom dans les pages du mensuel The american Magazine. Il figure aussi parmi les collaborateurs de Woman’s home Companion, du Ladies’ home journal, ainsi que de Pictorial Review. Il contribue aussi à Women’s world, à The Delineator, à Mc Call’s, ainsi qu’au prestigieux Collier’s. Une liste qui n’est certainement pas exhaustive.

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• S’il n’est guère possible de reconstituer la  nomenclature de tous ses dessins, on peut toutefois noter que pour le seul mensuel The american Magazine, sa signature apparaît dans  au moins  une trentaine de numéros publiés  entre 1922 et 1928. Il illustre ainsi The half way House (mai 1922), Swinderella (août 1922), Stella Dallas, de Olive Higgins Prouty qui se décline sur  8 parutions, entre  octobre 1922 et mai 1923.  Cette même année, en octobre, il signe les illustrations de Every man has to be looked after de Elizaberth Jordan.  En mars  1924, ce sera The fugitive from Finley’s Alley, de Agnes Sligh Turnball et, en 1925, Discarded, de Inez Haynes Irwin.  On pourra  retrouver  une liste détaillée  des contributions de José Simont sur le site The fiction Mags Index
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• En décidant de prolonger son séjour aux États-Unis, au-delà de quelques mois, José Simont  est devenu un des grands dessinateurs attitrés de la haute société nord américaine. Il semble même qu’il ait songé un instant  à s’installer définitivement aux Etats-Unis puisqu’en 1926, il avait introduit une demande de naturalisation auprès des autorités américaines  pour lui-même, pour son épouse et pour ses enfants. Une demande restée sans lendemain. En tout cas, c’est sur ses conseils, que son fils Marc Simont, auquel il a inculqué l’art du dessin, fera le choix de  s’y installer, publiant dès 1939 ses toutes premières illustrations dans des livres pour enfants. On notera enfin que l’on trouve encore quelques  contributions de José Simont dans la presse américaine, après 1932. C’est notamment le cas à la une du journal The Sunday star, publié à Washington.
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▲  Deux dessins de José Simont à la une du Sunday Star en 1934, alors qu’il a quitté les États-Unis ▼

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◘ RETOUR À L’ILLUSTRATION

(1932-1940)

•  De retour à Paris, José Simont  réintègre l’équipe des dessinateurs de L’Illustration à laquelle il donne, dès le 16 avril 1932, une série de six dessins destinés à accompagner “Impressions d’Amérique”, un texte de la poétesse Lucie Delarue-Mardrus. Ce n’est toutefois qu’à partir d’octobre 1932 qu’il reprend une collaboration régulière. À cette date, sa signature  figure à la une du magazine avec un dessin représentant “ Une réception de l’Institut, à Château-Thierry : le goûter dans les Grandes écuries”.
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Les contributions de José Simont à L’Illustration (période octobre 1932- Août 1939)
• Entre octobre 1932 et la fin d’août 1939, avant que la seconde guerre mondiale n’éclate, il redevient un des principaux  dessinateurs de L’Illustration : durant ces sept années,  il signe  pas moins de  324 illustrations dont 11 en double page, 45 en pleine page et il réalise  55 aquarelles.  Les années 1936 et 1937 sont les moins prolifiques avec respectivement 31 et 27 illustrations. Durant la période du 17 avril  au 4 septembre 1937, sa signature est même totalement absente du magazine. Auparavant, en février – mars 1937, il a embarqué sur le paquebot Normandie, à destination des Etats-Unis, en compagnie de  Paul-Émile Cadilhac, en vue d’un numéro spécial que l’Illustration compte publier.
• L’article de ce dernier, intitulé “États-Unis 1937” est publié le 10 avril, accompagné de 5 aquarelles de José Simont. Après une aquarelle représentant les passagers du Normandie regardant depuis les ponts supérieurs la masse des gratte-ciel de Manhattan, les 4 autres compositions mettent l’accent sur différents aspects de la ville de New York : “Les différentes humanités (sic) qui fréquentent le Subway”, “Un restaurant élégant de la 5ème Avenue” ou encore “Une fraction de la 56ème avenue, dans un quartier en évolution croissante”. Un séjour américain que José Simont a sans doute mis à profit pour rencontrer son fils Marc, alors âgé de 22 ans. À l’aube d’une très belle carrière d’illustrateurs, notamment de livres pour la jeunesse,  il s’est installé aux Etats-Unis deux ans plus tôt.

 

• LE TEMPS DES HONNEURS

• Pour José Simont, les années 1930, c’est aussi le temps des honneurs : la République française, qui n’a pas oublié sa contribution graphique, lui décerne la légion d’honneur, pour services rendus  durant la Grande Guerre. Le 30 juin 1933, en compagnie d’autres collaborateurs de L’Illustration et des nombreuses personnalités conviées, dont Camille Chautemps, le ministre de l’Intérieur chargé également de la Presse,  il est présent à Bobigny. Ce jour-là,  on inaugure officiellement la toute nouvelle imprimerie du magazine. En service depuis le mois de février, elle fait alors  figure d’imprimerie la plus moderne d’Europe, voire du monde.
• Une semaine après la publication du  numéro spécial consacré  à la genèse de cette usine graphique, daté du 1er juillet 1933, on pourra voir un dessin en pleine page de José Simont qui a saisi le moment où le ministre de l’intérieur arrive dans le grand hall d’accueil. Il y est  reçu par René et Louis Baschet, directeur et co-directeur, flanqués de Gaston Sorbets, le rédacteur en chef. En feuilletant ce numéro du 8 juillet,  dans un article intitulé “Paris à Bobigny”, on peut découvrir une photo montrant “Quatre dessinateurs de l’IIlustration”. On entrevoit José Simont, aux côtés de  Fauret, de Lucien Jonas et d’Ernest Clair-Guyot. C’est la seule photo de lui figurant dans l’Illustration entre 1902 et 1944.
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L’imprimerie de Bobigny, fleuron de L’Illustration, inaugurée en juin 1933

 • L’ACTUALITÉ POLITIQUE FRANÇAISE

DE L’AFFAIRE STAVISKY  AU 6 FÉVRIER 1934

• Si la production de José Simont est abondante entre avril 1932 et août 1939, on constate que l’actualité politique, au sens large du terme, est fortement minoritaire  avec seulement une douzaine de dessins sur 324 en 7 ans. Le 13 janvier 1934, il est chargé de réaliser le dessin qui ornera la une : il y est question de “L’affaire de Bayonne et le gouvernement”.
L’affaire Stavisky est sur le point d’éclater et on peut voir  le président du conseil, Camille Chautemps, s’entretenant avec Albert Dalimier, ministre de la justice.   Un mois plus tard, le 17 février, toujours à la une, un autre dessin de José Simont, intitulé “Merci pour la France” représente le président de la République, Albert Lebrun,  recevant Gaston Doumergue, ancien président de la République. Il le remercie chaleureusement d’avoir accepté la tâche de diriger le nouveau gouvernement. Une composition pour laquelle José Simont ne disposait que des termes du communiqué officiel.

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L’émeute du 6 février 1934, place de la Concorde

• Entre temps, Camille Chautemps et son gouvernement ont été balayés par l’ampleur qu’a prise l’affaire Stavisky. Une grande partie du numéro rend compte, par la photographie et par le dessin, des événements du 6 février 1934, avec les manifestations violentes organisées par les Ligues d’extrême droite contre le gouvernement. José Simont, mobilisé avec André Galland, Georges Scott et Serge Ivanoff, réalise un dessin montrant “La tête de colonne de l’Union nationale des combattants se mettant en marche vers les Champs-Élysées”. La légende précise qu’il s’agit d’une “scène vue et dessinée depuis la coupole du Petit Palais”. Un sérieux contraste avec les 4 autres dessins de José Simont qui ornent, dans le même numéro,  un article consacré au …“dîner doré de la Chandeleur donné à l’Hôtel Ritz”.  Le calme revenu, Gaston Doumergue retient à nouveau l’attention du dessinateur. À la une du numéro daté du 24 novembre  1934, figure une composition légendée ainsi : “ 5 novembre, 4 heures du matin, rue de la Pompe : dans la solitude nocturne, M. Gaston Doumergue quitte Paris qu’en février dernier il sauva des émeutes”.

 

• LE PRINTEMPS 1936

ET LE FRONT POPULAIRE

• Pour retrouver des dessins à thème politique, il faut attendre le printemps 1936. Le 2 mai, L’Illustration publie une série de 7 dessins illustrant un article intitulé “En marge des élections : Futures citoyennes”… Le 16 mai, José Simont illustre par deux dessins un article de Robert de Beauplan, “En écoutant les maîtres de l’heure. Les 26 avril et 3 mai, le Front populaire a remporté les élections législatives. De quoi inquiéter le lectorat de L’Illustration, d’autant que le parti Communiste, membre de la coalition, a fortement progressé. Le premier dessin représente “Léon Blum prononçant son discours”, tandis que le second met en scène “Une conférence des communistes (avec) Maurice Thorez, debout, parlant”.
• Le 13 juin suivant, après la conclusion des accords Matignon, alors même que L’Illustration a dû faire face à une grève sur le tas des ses salariés qui ont bloqué l’imprimerie de Bobigny, José Simont résume l’événement par un dessin. Il montre La conférence des délégués patronaux et ouvriers à la présidence du conseil avant la signature de l’accord du 7 juin”.

 

 • JOSÉ SIMONT, UN ESPAGNOL

FACE À LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE

• Un autre événement, dramatique celui-là, va retenir l’attention de José Simont, même s’il n’y consacrera aucun dessin: c’est la guerre civile qui éclate en Espagne en juillet 1936. Pendant trois ans, l’affrontement entre Nationalistes et Républicains va ensanglanter le pays, faisant des centaines de milliers de victimes. Un drame et une source d’angoisse pour José Simont dont la plus grande partie de la famille, avec laquelle il a toujours maintenu des liens étroits, réside soit en Catalogne, à Barcelone, un des hauts lieux de la lutte des Républicains, soit à Madrid.

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•  Un seul dessin, publié le 8 août 1936, trois semaines après le déclenchement de la guerre, évoque cette angoisse. Intitulé Aqui Radio Barcelona”, il met en scène un groupe de personnes  réunies autour d’un poste de radio : ”C’est rue Geoffroy-Marie, dans la salle d’un petit café catalan que fréquentent des Espagnols, sans passions partisanes, des Espagnols  qui en raison de leurs emplois ou de leurs affaires résident à Paris.  Depuis le premier jour de la guerre civile, il y a  dans ce groupe de compatriotes de cruelles inquiétudes sur le destin de leur patrie et sur le sort, là-bas, de leurs parents, de leurs amis. Le petit café  possède un poste de radio.  On met les lumières en veilleuse. Et quand on perçoit ։ “Atencion. Aqui Radio Barcelona ! ”, Chacun avec une émotion poignante attend des nouvelles“, peut-on lire sous le dessin.

 

• MUNICH ET LA MARCHE

VERS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE

• Comme en 1934, parce que l’heure est dramatique, José Simont se voit confier la mission de représenter ces moments où, entre la fin de septembre et le début d’octobre 1938, l’Europe a failli basculer dans la guerre. À la une du numéro daté du 24 septembre, il met en scène “Une conversation historique à Berchtesgaden (entre) le premier ministre Chamberlain et le Führer – chancelier Hitler”. Hitler vient de revendiquer la Tchécoslovaquie, en brandissant la menace d’une guerre.
• Deux semaines plus tard, dans le numéro du 8 octobre, le soulagement est de mise, après la signature des accords de Munich. En préambule du numéro spécial consacré à l’automobile, on a glissé in extremis quelques pages sur l’actualité “chaude”. En accompagnement d’un article de Robert de Beauplan, figure une composition de José Simont, “La paix sauvée : une date dans l’histoire”, réalisée “d’après des documents authentiques”. Elle  montre  Mussolini et son gendre, le comte Ciano, Hitler, Chamberlain, Daladier et Ribbentrop assis en demi cercle, en train  de décider du sort de la Tchécoslovaquie. En lâchant cette dernière, ses alliés français et anglais ont cru sauver la paix: « Ainsi la crise effroyable que nous venons de traverser aura peut-être servi à dissiper  l’irrespirable atmosphère où l’Europe vivait. C’est une ère nouvelle qui s’ouvre. Puisse-t-elle ne pas nous apporter les mêmes déceptions que celles où nous nous étions engagés avec tant de confiance, il y a vingt ans ! », conclut Robert de Beauplan. On connaît la suite, onze mois plus tard…

• HONNEUR AUX ALLIÉS

DE LA FRANCE…

• Comme l’avait déjà fait L’Illustration avant 1914, face au risque de guerre, on n’hésite pas à mettre à l’honneur l’allié britannique. Dans le numéro du 30 juillet qui rend compte de la visite officielle du couple royal à Paris, José Simont livre deux compositions. La première, en pleine page montre “La reine et le roi (Georges VI) traversant les salons (lors de) la réception officielle à l’Élysée”. Une réception à laquelle le dessinateur a pu assister, puisqu’il est mentionné que le dessin a été réalisé “d’après les croquis exécutés sur place ».  Le second dessin est consacré à “Une soirée en l’honneur des souverains au quai d’Orsay”. On peut y ajouter, le 28 novembre 1936 deux dessins consacrés  à Winston Churchill, dans le prolongement d’un article intitulé “Silhouettes d’hommes politiques anglais”.

 

... ET VIVE L’UNITÉ

DE L’EMPIRE FRANÇAISE

• Enfin, alors que l’on met à profit le 14 juillet 1939 pour  célébrer le cent cinquantenaire de la révolution française, au moment où l’orage menace l’Europe, il est bon de réaffirmer haut et fort “L’unité de l’empire français proclamée solennellement sur la terrasse de Chaillot”, ce  que José Simont résume par une de ces  compositions en double page dont il a le secret (22 juillet 1939).

 

• JOSÉ SIMONT, DESSINATEUR

DES MONDANITÉS ?

• José Simont, peut-il être considéré comme le “dessinateur des mondanités” au sein de l’Illustration ? La question mérite d’être posé, au vu du nombre de dessins et d’aquarelles qu’il a consacrés à ce domaine.  On peut l’évaluer à plus de 70% de ses productions publiées entre 1932 et 1932, avec nombre de dessins en double page ou en pleine page. Les citer toutes serait fastidieux et on pourra en retrouver la liste détaillée dans un autre article de ce blog. On peut cependant extraire quelques grandes thématiques qui émergent de cette aspect de son œuvre.

 

• DE RÉCEPTIONS

EN FÊTES MONDAINES

  Les grandes réceptions et fêtes mondaines reviennent souvent sous le crayon de José Simont. À titre d’exemples, on peut citer :   “Une soirée de la grande élégance parisienne : le dîner laqué des rois” (21 janvier 1933), “Le nouveau décor des nuits parisiennes” (4 mars 1933), décrit par Robert de Beauplan…“La saison parisienne : un dîner paré qui a maintenu la tradition du carnaval” (7 avril 1934), “ Le bal de la comédie française : le distribution des accessoires et des cotillons(15 décembre 1934). Le Bois (de Boulogne) sur lequel s’était déjà exercé l’artiste avant 1914, reste une valeur sûre qui fera rêver le lecteur de province : le 16 juin 1934, en complément d’un article d’Albéric Cahuet, “Dimanche matin, au bois de Boulogne”, José Simont  compose 3 dessins, dont un sur double page, “Midi au Bois : l’apéritif aux Pavillons”.
• Certes, en contrepoint, il dessinera  Un banquet de clochards dans un sous-sol des halles centrales” (16 février 1935), pour rappeler, mais très brièvement, que la misère peut côtoyer le luxe et l‘aisance dans la capitale. Pour se donner bonne conscience, on se rendra à « la fête de charité (qui) inaugure les nouvelles salles des grandes ventes publiques”, ce  que José Simont résume en un dessin en pleine page (3 juin 1933)
• La vieille aristocratie n’est pas en reste en donnant “Une fête costumée, le gala Gardénia, le soir de mardi gras (16 mars 1935), que José Simont restitue en pleine page. Après avoir représenté par une aquarelle, elle aussi en pleine page,  “La salle à manger des premières classes sur le paquebot Normandie(1er juin 1935), José Simont évoque “ Une grande soirée parisienne : le bal de la valse chez la princesse de Faucigny-Lucinge” (25 janvier 1936), deux semaines après avoir consacré 3 dessins, dont un en double page,  au “grand escalier de l’Opéra, pendant un entracte de gala” (11 janvier 1935).
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Publicité pour le paquebot Normandie, accompagnée d’un dessin signé par José Simont (1937)
• Alors que le Front populaire vient de remporter les élections et que les grèves paralysent le pays, José Simont s’intéresse au “Bal Gainsborough, gracieuse évocation du XVIIIè siècle anglais dans un cadre parisien” (30 mai 1936). “Le ballet à l’Académie de musique et de danse” (20 février 1937) donne lieu à pas moins de 14 aquarelles pour illustrer un article d’Émile Vuillermoz. Passons sur “L’heure du thé dans un grand place parisien” traité en pleine page (5 novembre 1938) pour terminer par “Les terrasses estivales de Paris” dont celles du Café de la Paix. On est le 26 août 1939, à une semaine de l’éclatement de la guerre.

 

• QUELQUES LIEUX DE VILLÉGIATURES

DE L’ENTRE SOI PARISIEN

• En dehors de ces fêtes et réception, ce lectorat aisé a aussi ses propres lieux de villégiature, même si, avec les congés payés il lui a fallu céder des kilomètres de plage. On se rappelle la caricature publiée par le Canard enchaîné : “Ils viennent se baigner dans notre eau, respirer notre air et se brunir sous notre soleil ». Heureusement, il reste Deauville et le Touquet Paris Plage.
• Le 24 août 1935, un article de Robert de Beauplan décrit “ Deauville, hier et aujourd’hui”. Il est accompagné d’une dizaine d’aquarelles de José Simont, dont une en pleine page montrant “ au champ de courses de Deauville, un coin du pesage ”, près duquel se pressent les élégantes. Pour qui voudrait visualiser ce qu’était la très sélecte station normande au milieu des années 1930, les aquarelles de José Simont valent toutes les descriptions.
• Trois ans plus tard, le 30 avril 1938,  toujours en tandem Robert de Beauplan, il se penche sur “Le Touquet – Paris Plage”, avec une série de  9 aquarelles.  Pour ceux aux yeux desquels ni  Deauville, ni Le Touquet ne trouveraient grâce, il reste  les “plages fluviales : Elisabethville sur la Seine, L’Isle-Adam, la doyenne des plages fluviales dans les environs de Paris et Beaumont-sur-Oise donnent lieu à trois dessins en pleine page, le 1er septembre 1934. Quant à ceux que l’eau rebuterait, qu’ils sachent que “Les jardins publics et le parcs de Paris” offrent de nombreux attraits. C’est ce qu’affirme Albéric Cahuet dans un  article (21 septembre 1935)  et ce que confirme José Simont par les 12 dessins qui l’accompagnent .

 

UN HYMNE À L‘ÉLÉGANCE PARISIENNE

• Cette clientèle se doit évidemment d’être élégante. Un thème qui, avec celui de la mode,  préoccupe autant les rédacteurs de L’illustration que José Simont qui entend, selon le rythme des saisons, mettre en scène cette élégance féminine. Le 10 juin 1933, “à propos d’un concours d’élégance automobile”, il présente en pleine page “Les élégances féminines, sous les ombrages des Champs-Élysées”. Le 24 juin, il met à l’honneur “Les vaporeuses silhouettes de l’été 1933 (avec) la renaissance de la mousseline”. Le 9 septembre, par deux dessins en pleine page, sous le titre “Silhouettes 1933”, il se penche sur  “La résurrection des modes anciennes dans  les nouveautés d’aujourd’hui”. Le 25 novembre, décidément infatigable, il accompagne de 8 dessins, dont un en double page, un article de Robert de Beauplan sur “Les nouvelles silhouettes de l’élégance parisienne”, Le 3 mars 1934, il retrace par  3 dessins “ Un siècle de mode parisienne”.
• Sans mannequins, point de mode. Le 30 juin 1934, il présente  “Les mannequins de la grande couture parisienne au Pré-Catelan”. Le 27 octobre, il y revient avec une “Vision d’automne, rue de la Paix : la sortie des mannequins  surpris par la pluie”. Le 4 avril 1938, il donne à entrevoir “Les élégances nouvelles au pesage d’Auteuil” et le 4 juillet de la même année “La fête de l’élégance parisienne au Pré-Catelan”. On ne sera donc pas étonné que, le 3 septembre 1938, un article sur le musée du costume, véritable conservatoire de la mode, soit accompagné de 14 aquarelles de José Simont. N’oublions pas non plus les “Élégances d’hiver fin 1937” qui donnent lieu à 3 dessins le 18 décembre 1937. De l’élégance au luxe, il n’y a qu’un pas  qui passe par “Les plus beaux bijoux  du monde à la soirée du théâtre Marigny ” (2 juillet 1938).

JOSÉ SIMONT,  OBSERVATEUR 

D’UNE CERTAINE VIE CULTURELLE

• Cette “élite” se pique aussi de culture et fréquente régulièrement les théâtres et l’opéra, à commencer par la Comédie française. Quelquefois, sur la scène de cette dernière, on peut assister à “Un spectacle imprévu (avec) le quadrille du Moulin Rouge dansant le French Cancan”, ce qui mérite bien une double page (10 décembre 1932). Le 28 janvier 1933, José Simont  restitue par l’image “ Le gala du cent cinquantenaire au théâtre de l’Odéon”, avec représentation d’Iphigénie. Cécile Sorel, qui interprète L’aventurière, au côté de son mari, le comte de Ségur, a droit à une pleine page dans le numéro spécial consacré à l’inauguration de Bobigny (1er juillet 1933). À mi-chemin entre mode et  théâtre, on peut voir en double page, le 25 novembre 1933,  une grande composition de José Simont : “Silhouettes d’élégance de l’automne 1933, un soir de grande représentation à la Comédie Française”.
• On ne manquera pas d’assister aux “Concerts historiques à Versailles” (24 novembre 1934) auxquels José Simont consacre deux dessins, tout comme on ira applaudir le grand maître Toscanini en personne, qui a droit lui aussi à un dessin (8 décembre  1934). La culture peut aussi passer par quelques conférences dont l’Illustration se fait régulièrement l’écho. C’est “Paul Léon, directeur général honoraire des Beaux-arts, faisant au Collège de France son cours” (3 juin 1933),Sir John prononçant une conférence” (9 mars 1935), quand ce n’est pas “ Raoul Dautry (avec) une conférence technique et sociale” (9 février 1935), André Maurois qui traite de littérature anglaise ou le cardinal Verdier en personne (4 février 1939) qui font office de conférencier.
• Le cinéma, un thème dévolu le plus souvent à Robert de Beauplan, nécessite parfois que l’on donne aux spectateurs quelques clefs à propos de la réalisation de ce s’on appelait alors simplement trucages. C’est le cas lors de la sortie du film King Kong. Par l’entremise de 4 dessins de José Simont, le spectateur de base aura vite fait de comprendre comment King Kong, du haut de l’Empire State Building, peut saisir dans sa “ main” une femme, en même temps qu’il met à mal les avions qui  tentent de l’anéantir (23 septembre 1933).

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Paysage (tableau non daté) (© Simont)

• L’ÉDUCATION…

• Parce qu’il faut aussi penser à l’éducation de la jeune génération, Robert de Beauplan présente “ La pépinière d’hommes modernes (qu’est devenue) l’école des sciences politiques » pour laquelle José Simont se fend de trois dessins (19 janvier 1935). Le 29 octobre 1938, pour épauler Émile Vuillermoz  qui veut faire découvrir “La plus populaire et la moins connue des écoles de l’état : Le conservatoire national de musique et d’art dramatique ”, il  réalise une vingtaine de dessins montrant la vie et le fonctionnement de l’école. Enfin, on notera que pour rassurer les parents sur ce que fait leur progéniture étudiante, José Simont avait déjà composé une illustration en pleine page (3 novembre  1934) montrant “Le quartier latin studieux (avec) étudiantes et étudiants à la bibliothèque Sainte-Geneviève”.

• DES  SPORTS ET DES COMPÉTITIONS

• Le sport et la compétition sont un autre thème qui inspire José Simont. À condition de s’en tenir à des sports “nobles”.  Le concours hippique est prétexte à une grande composition sur double page qui représente “ un aspect du paddock pendant une épreuve d’obstacles pour amazones et gentlemen” (8 avril 1933). Un thème récurrent, puisque ce même concours  est à nouveau l’objet de 2 dessins le 14 avril 1934. Autres exemples : “La tribune d’Herblay pendant le meeting international du Yacht Motor Club de France” (8 juillet 1933) ou “Le combat de boxe opposant Thil à Ara” (10 mars 1934). Pour celles et ceux que la montagne effraieraient, il reste une  “Vision de sports d’hiver dans un quartier élégant de Paris” (7 novembre 1937). Enfin, la compétition peut aussi trouver sa  place autour d’une table avec 2 dessins consacrés à “Un grand match de bridge franco-américain” (22 juillet 1933). De fait il eût été étonnant qu’on parlât belote dans L’Illustration…

• DES IMAGES DE PARIS…

• En dehors de ces articles ponctuels et/ou récurrents, L’Illustration s’essaye aussi à fidéliser ses lecteurs par des séries thématiques. Pour l’une d’entre elles, intitulée “Images de Paris”, José Simont fait équipe avec Raymond Escholier pour les textes. Parmi les sujets des plus divers  abordés, citons entre autres “Le concours hippique” (14 avril 1934), “La halle aux fleurs(5 mai 1934), après être passé “En l’île Saint-Louis et au Marais” (7 avril 1934) et “De la cave au salon” (10 novembre 1934).

 

◘ LA GUERRE ET L’EXIL LYONNAIS

(1939-1947)

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• L’ENTRÉE EN GUERRE

ET LA DRÔLE DE GUERRE

(SEPTEMBRE 1939-MAI 1940)

• Lorsque la France entre en guerre, le 3 septembre 1939, L’Illustration entend bien jouer le même rôle que pendant la première guerre mondiale, malgré une importante amputation de ses effectifs, pour cause de mobilisation : “ Malgré les difficultés et les  restrictions  (L’Illustration) continuera à paraître. Comme elle le fit en 1914, elle écrira et retracera de semaine en semaine, l’histoire la plus émouvante, la mieux documentée des événements que nous allons vivre”, peut-on lire dans un long éditorial publié le 9 septembre 1939. Pour ce faire, l’hebdomadaire compte sur ses photographes, mais aussi sur ses dessinateurs. José Simont figure donc aux côtés des “vétérans” comme Lucien Jonas, Charles Fouqueray ou Georges Scott, qui seront épaulés par des dessinateurs qui n’ont pas eu l’expérience du premier conflit. Parmi eux, on peut citer Albert Brenet  et Albert Sébille pour la guerre navale, Géo Ham pour les combats aériens, mais aussi André Galland.
• En vingt ans, les attentes du lectorat ont évolué et on ne retrouvera donc pas les grandes compositions patriotiques, qui avaient été une des « marques de fabrique» des dessinateurs en 14-18, et en particulier, comme on l’a vu  de José Simont ou de Louis Sabattier, mort en 1935. Pour Georges Scott, ce seront ses ultimes contributions, avant de disparaître en janvier 1943.
• Dans les numéros publiés entre le 2 septembre 1939, veille de la déclaration de guerre, et le 8 juin 1940 (dernier numéro diffusé avant l’exode de L’Illustration), José Simont reste très présent dans les pages de l’hebdomadaire. Il alterne des compositions évoquant des scènes liées à la  guerre avec d’autres qui renvoient à une actualité plus intemporelle. En 9 mois,  il signe 8 dessins à la une  et 1 qui  figure même en couverture, le 4 mai 1940. On lui doit aussi  2 grandes compositions en double page, 2 aquarelles en pleine page, ainsi qu’une quinzaine de dessins insérés dans le corps des articles, parmi lesquels 2 aquarelles. Ajoutons que, dans le numéro daté du 15 juin 1940 (n° 5076),  qui avait été composé mais qui n’a jamais été diffusé, il avait été prévu  d’illustrer un article consacré aux “Halles pendant la guerre” par   une série de 9 aquarelles de José Simont.
• Après une série de 3 dessins publiés le 2 septembre, illustrant un article “futile”  intitulé “Pantalonnade[1]” (“Pour la mode estivale, les femmes ont emprunté le pantalon aux hommes”), José Simont entre de plain-pied dans le conflit, dès le 9 septembre : à la une, figure  une scène montrant “ Le départ des réservistes à la gare  l’est en septembre 1939, sous le tableau du départ d’août 1914”, faisant ainsi le lien entre les deux conflits. Les enfants des Poilus font montre du même “enthousiasme »…Du moins, veut-on le faire penser. Quelques pages plus loin, on a la confirmation que la guerre est bien là, avec  “Un dessin de José Simont pris à 22 h 00, au bas de la colonnade de la Bourse, devant la perspective de la rue du 4-Septembre”. Il montre un “ Aspect de Paris, le 1er septembre, sous un ciel lunaire voilé de nuage”.
• Il y reviendra d’ailleurs  le  2 décembre, mais cette fois-ci par une aquarelle publiée en pleine page, intitulée “Crépuscule de guerre sur Paris”. Elle montre  “notre incomparable place de la Concorde (qui) a supprimé ses féeries lumineuses”…Deux  tableaux bien sombres, dans tous les sens du terme, le premier  offrant un contraste brutal   avec un article de Paul-Émile Cadilhac qui a passé “Deux jours à bord du paquebot Pasteur”. Au point que  dans son éditorial  de guerre, le magazine a pris soin de préciser que ces pages avaient été composées bien avant que la guerre n’éclate, alors qu’on ne pensait pas que la situation pût s’aggraver aussi vite. Précisions utiles car les aquarelles de José Simont n’auraient pas manqué de surprendre dans ce contexte  de gravité : en pleine page, il a représenté  “La piscine du paquebot Pasteur”., deux autres aquarelles montrant “Le fumoir des premières classes” et le “Le bar des Deuxièmes classes”.
• Dès le 23 septembre, José Simont  réintègre la une du magazine en guerre : il met en scène “Le conseil suprême interallié tenu en France le 12 septembre”, avec Chamberlain, Daladier et le général  Gamelin. Un conseil qui vise à rassurer l’opinion. Pour rappeler que la guerre concerne aussi le nord de l’Europe, il dessine le 28 octobre, “ les chefs des états scandinaves en conférence au Palais royal de Stockholm, le 18 octobre dans la salle Rose”. L’heure est grave mais, comme en 1914,  la vie continue, avec un contrepoint sur “La réouverture de l’école du Louvre”, un article de Raymond Lécuyer que José Simont  illustre de 6 dessins, le 16 décembre 1939.
• Pour entretenir le moral des soldats, qui piétinent depuis plusieurs mois derrière la ligne Maginot, José Simont met en scène, à la une du premier numéro de 1940  des “Fiançailles de guerre” (6 janvier). Quelques pages plus loin, on découvre 3 dessins sur “ les permissionnaires du front (décembre 1939-janvier 1940”) auxquels  les fêtes de fin d’année ont permis de retrouver les leurs.  Comme en 1914, il faut aussi saluer la présence des alliés britanniques sur le territoire français. José Simont le fait, par un dessin “d’après nature”à la une du numéro du 27 avril 1940 : “Bonnes nouvelles : Au centre d’accueil, à l’heure des informations, permissionnaires britanniques et assistantes du foyer se groupent autour de l’appareil de radio”, lit-on en légende. Et le magazine de préciser : “C’est toute une petite scène épisodique que représente notre dessin de première page, une minute de  vie observée  et saisie au passage par le crayon alerte  de notre collaborateur Simont”.
• José Simont contribue aussi à stigmatiser l’ennemi, y compris avec un brin d’ironie. Le 27 avril, il réalise d’après un article du Daily Telegraph, une composition intitulée “Une charmante soirée …À l’ambassade allemande d’Oslo : la  projection du film Baptême du feu“.  L’article  apprend aux lecteurs que ce qui  charme tant les spectateurs, c’est la succession de scènes filmées par les Actualités allemandes  qui montrent “les destructions de la Pologne par l’aviation“. Un avant-goût de ce qui attend la France, quelques semaines plus tard. Il faut aussi attiser la méfiance de l’opinion face à la fameuse “Cinquième colonne”, avec son lot d’espion.  Un problème qui peut aussi concerner les pays neutres. Le 4 mai 1940, sous le bandeau rouge  du titre, la couverture de l’Illustration s’orne d’un dessin de José Simont sur “Les touristes indésirables”. Il montre  “l’arrivée en masse de “visiteurs” allemands dans la capitale d’un pays neutre”.
• Avec le déferlement allemand sur les Pays-Bas, la Belgique et la France, commencé le 10 mai 1940, la guerre s’accélère. Dans le concept de Blitzkrieg, l’aviation  joue un rôle capital, ce que traduit José Simont le 25 mai par une composition en double page. Elle reconstitue “ Une descente, par vagues aériennes,  des parachutistes allemands au petit jour”. Une scène  particulièrement réaliste.  Mais, après l’anéantissement de la Pologne,  la défection d’un premier allié rend la situation plus dramatique. À la une du numéro du 8 juin, le tout dernier publié avant que l’équipe de l’Illustration ne fuie Paris, le dessinateur qui s’est basé sur un communiqué officiel, montre “ le premier ministre belge, M. Pierlot, (qui) adresse une suprême adjuration“ au roi “Léopold III déjà résolu à capituler”. Pour les lecteurs qui ont connu la grande guerre, avec plusieurs dessins de José Simont glorifiant le courage du “roi – chevalier”  Albert  et de son épouse, le contraste est saisissant.

 

•  L’ILLUSTRATION

SUR LES ROUTES DE L’EXODE

• BORDEAUX, CLERMONT-FERRAND, LYON

(JUIN – SEPTEMBRE 1940)

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• DE PARIS À  BORDEAUX...

• Comme tous ses confrères, face à l’avance des troupes allemandes, une partie de l’équipe de L’Illustration a quitté le siège de la rue Saint-Georges et l’imprimerie de Bobigny, dès le 10 juin. Le numéro daté du 16 juin, dans lequel il avait été prévu de publier 6 aquarelles de José Simont sur les halles de Paris, ne verra pas le jour, bien qu’il ait été déjà totalement composé. Le 14 juin, les troupes allemandes peuvent pénétrer dans la capitale déclarée “ville ouverte”.  Dans la caravane de voitures et de camions qui emmènent des membres de la direction (René et Louis Baschet en tête) et de la rédaction (Gaston Sorbets, Robert de Beauplan, Paul-Émile Cadilhac, Albéric Cahuet…) figurent aussi José Simont et son confrère André Galland, ainsi que des personnels de l’administration et de l’imprimerie. Après avoir constaté la destruction de l’imprimerie Mame (Tours) dans  laquelle l’Illustration avait prévu  de se replier, la caravane file vers Bordeaux, où le gouvernement s’est installé. Pour René et Louis Baschet, même avec des moyens de fortune, l’hebdomadaire doit reparaître le plus vite possible. Encore faut-il trouver un imprimeur et du papier.
Fonds Louis Baschet (L'Illustration ). EXODE Ferme près Preuilly-sur-Claise 15-16 juin 1940 (2)
15/16 juin 1940, une partie de l’équipe de l’équipe de l’Illustration, en route vers Bordeaux fait étape à Preuilly-sur-Claise (Indre-et-Loire)
• Dès le 22 juin, c’est chose faite, avec un numéro sans couverture ni publicité et sous  format réduit, tiré sur les presses des imprimeries Delmas (n° 5077). Dans les 3 numéros de l’édition de Bordeaux et dans les 9 suivants de l’édition de Clermont-Ferrand, la part prise par José Simont dans l’illustration des pages devient prépondérante. Cest une des périodes les plus intenses de son activité.  Entre le 22 juin et le 14 septembre 1940, sa signature figure dans 12 numéros, soit la totalité de ceux publiés à Bordeaux puis  Clermont-Ferrand. Les chiffres montrent l’effort qui lui a été demandé, semaine après semaine,  avec une forte proportion de dessins d’actualité à réaliser dans l’urgence, mais toujours avec le même souci de perfection et de recherche du détail. Il est ainsi l’auteur de  5 dessins publiés en couverture, un espace qu’il partage avec André Galland. Il compose aussi 4 double pages, 4 dessins en pleine page et une vingtaine de dessins de formats divers, soit  au moins 33 dessins en 3 mois. Dans la plupart des cas, ils sont composés directement d’après nature et, quelquefois, à partir de croquis pris sur place.
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Louis Baschet (assis à droite) et René Baschet (2ème à gauche) sur les routes de l’exode (juin 1940)
• Les 3 dessins qui ornent la couverture de l’édition de Bordeaux résument l’évolution politique de la France : à celle dédiée  au “Maréchal Pétain, président du conseil » (22 juin 1940), succède celle du “ Deuil national” (29 juin), assortie du commentaire suivant : “ Notre couverture, composition d’après nature de José Simont représente  l’émouvante cérémonie qui eut lieu à la cathédrale Saint-André, le 25 juin 1940”. On est loin des Te Deum victorieux de 1918 et 1919 qu’avait signés José Simont.
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Une partie de l’équipe de L’Illustration à Bordeaux, dans les locaux de l’imprimerie Delmas
• Le temps de l’expiation des fautes collectives est donc  venu. Il est urgent de remettre la France “Au travail” (6 juillet). Ce n’est sans doute pas un hasard si le dessin du vieux jardinier qu’a imaginé José Simont, la fourche et le râteau sur l’épaule, un panier de légume à la main,  ressemble  à s’y méprendre au maréchal Pétain. Il fixe le lecteur, tandis que les troupes allemandes semblent s’estomper. Peut-être une allégorie de l’évacuation de la zone libre… Une renaissance du pays …  Dans ce même numéro,  à partir des croquis qu’il avait pris sur place, José Simont déroule sur une double page une composition mettant en scène “ Un conseil des ministres à l’hôtel du préfet de la Gironde, pendant le séjour du gouvernement à Bordeaux”.
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Bordeaux (23 juin 1940): René Baschet et Louis Baschet (2è et 3è à Gauche)
• Durant ce séjour bordelais, il se fait aussi le chroniqueur graphique de la vie des réfugiés. Le 22 juin, sur double page, il représente “Un carrefour  d’avenues, de cours et de rues dans la capitale de guerre de la France : la place de la Comédie, à Bordeaux, un de ces jours récents”. Il y revient la semaine suivante par 3 autres dessins saisis à 3 endroits différents : “Devant la Caisse d’épargne, la foule  attend”, suivi de “À l’heure du déjeuner, devant un restaurant” et de “L’animation à l’entrée du pont de pierre”. Trouver de l’argent, se nourrir, se déplacer…Un condensé de la vie des réfugiés qui est aussi celle de José Simont.

 

• DE BORDEAUX

À CLERMONT-FERRAND…

L'ILLUSTRATION 1940 n° Bordeaux et Clermont-Ferrand
Les n° de L’Illustration publiés à Bordeaux puis à Clermont-Ferrand (juin – septembre 1940)
• Bordeaux devant se retrouver en zone occupée, suite à la signature de l’Armistice le 22 juin 1940, la caravane de L’Illustration a dû reprendre la route pour se fixer à Clermont-Ferrand. L’imprimerie Montlouis, propriété de Pierre Laval, accepte d’héberger la rédaction et l’équipe de fabrication de l’hebdomadaire qui sera tiré sur ses presses, dans un format légèrement agrandi, jusqu’au 14 septembre.  Pour le tout  premier numéro clermontois, daté des 13/20 juillet 1940, José Simont  qui a été envoyé spécialement à Vichy, illustre “ Les grands jours d’Auvergne 1940 ”, un article signé par Robert Lambel, pseudonyme de Robert de Beauplan.   Ses 3 dessins dont une composition sur double page, reconstitue la journée du 10 juillet 1940. Tandis que les curieux se réunissent “ Devant le casino pendant la séance historique du 10 juillet” et qu’un autre dessin est saisi  “Devant la résidence de M. Albert Lebrun (président de la république bientôt défunte, nda), à Vichy”, c’est ailleurs que se joue le destin de la république.
• Cet ailleurs occupe une double page montrant  “ La séance historique de l’assemblée nationale  du 10 juillet 1940, dans la salle de théâtre du casino de Vichy”. En comparant les rares photos qui ont été prises avec l’image qu’en a donné José Simont, on mesure encore mieux la précision de son crayon. Ce jour-là, 569 parlementaires contre seulement 80 acceptent de remettre le sort du pays entre les mains du maréchal Pétain, en lui accordant le droit d’user des pleins pouvoirs. La volonté de rechercher des responsables politiques à la défaite aura sa traduction par une double page, dès le 17 août 1940: José Simont est envoyé à Riom pour immortaliser “ L’installation de la cour suprême de justice, à Riom, le 8 août”. Une cour dont les débats vont très vite se retourner contre ses initiateurs.
• Précisons que plusieurs de ces dessins réapparaîtront dans l’édition parisienne en grand format qui sera mise en place, suite aux manœuvres de Jacques de Lesdain, à compter du 17 août. Ainsi dans le numéro du 21 septembre 1940, alors que L’Illustration n’a plus qu’une seule édition autorisée, ce qui a entraîné le sabordage de celle de Clermont-Ferrand,  Robert Lambel (alias de Beauplan) revient dans un long article sur “La séance historique de l’assemblée nationale  du 10 juillet 1940 dans la salle de théâtre du casino de Vichy” reprenant le dessin publié le 13/20 juillet dans l’édition de Clermont-Ferrand. On y retrouve aussi le  “Deuil national” (dessin identique à celui publié le 29 juin), ainsi que “Le conseil des ministres à Bordeaux” (identique à celui publié le 6 juillet Bordeaux). Enfin, on a ressorti le dessin intitulé “ Le service d’ordre dans le parc du casino”, paru initialement dans le numéro du 13/20 juillet Clermont-Ferrand.
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Albéric Cahuet, Ludovic Naudeau, Gaston Sorbets et Denis Baschet, installés à Clermont-Ferrand., avant de gagner Lyon (sauf Gaston Sorbets)
• Le 27 juillet, après l’installation du nouveau régime de l’État Français, il est temps pour L’Illustration de se tourner vers l’avenir, une majorité de son lectorat adhérant à la trilogie “Travail, famille, patrie”. José Simont célèbre donc, toujours en couverture  « L’école pour la patrie », avec des enfants rassemblés autour de leur  maître. De l’école, dans laquelle le ministre Jacques Chevalier compte réinstaller Dieu,  et qui doit être à la base de cette “France nouvelle” il sera encore question à la une  de l’ultime numéro publié à Clermont-Ferrand, le 14 septembre. Il s’agit d’illustrer la première rentrée scolaire,  d’après la défaite. José Simont y représente des élèves sagement assis et buvant les paroles de leur instituteur qui a pris soin d’inscrire au tableau noir la célèbre formule du maréchal Pétain, prononcée lors de son discours du 17 juin : « Je fais à la France le don de ma personne ».
• Cette jeunesse, version féminine, José Simont y était déjà revenu une semaine plus tôt avec une série de 4 dessins, chacun épousant une thématique vichyste : Le sport “ régénérateur”   (“Une jeune équipe féminine entraînée au lancer de poids”), la maternité (“L’aide aux mères : une jeune guide allège le fardeau des mamans  recueillies dans  les refuges”) ou encore l’éducation (“La jeunesse artiste : une élève de l’école des Beaux arts”).
• Se tourner vers l’avenir ne signifie pas pour autant oublier le sacrifice de ceux de 1914-1918 : le 27 juillet, dans une “composition d’après nature », le dessinateur célèbre “ L’âme en deuil du pays, dans un vieux village français : le 14 juillet devant le monument aux morts”.  Toujours dans ce numéro, plus d’un mois après l’armistice, les réfugiés qui n’ont toujours pas pu regagner la zone occupée sont le thème d’un autre dessin : “Sur une place de Clermont-Ferrand : La toilette du matin des automobilistes de passage qui ont couché dans leur voiture”.
• Le 3 août, José Simont se fait le chroniqueur graphique du gouvernement de Vichy, désormais installé dans ses meubles,  avec une série de 6 dessins “d’après nature”.On pénètre “ Dans le hall de l’hôtel du Parc, véritable carrefour d’accès à la présidence du conseil”, on rencontre “M. Pierre-Victor  Léger, maire de Vichy”, “ on aperçoit “M. Adrien Marquet dans un coin du restaurant“. On est aussi témoin des “Rencontres de ministres, hors des heures de travail  (MM. Piétri, Baudouin, et Pierre Laval”, sans oublier les “Réfugiés venant prendre à l’hôtel de ville leurs laisser passer  pour rejoindre leur pays en zone occupée”. Plus anecdotique, mais pour montrer que la France a changé, ces “ Images d’un monde nouveau (avec) une séance de la commission des vignerons”, le 17 août. Une Commission dont on peut penser que les lecteurs de l’Illustration ignoraient tout, jusqu’à présent.
• Les autres dessins publiés les 24 et 31 août 1940 visent davantage à mettre en valeur le patrimoine : le 24 août, José Simont conduit les lecteurs Dans l’ombre, chargée de siècles, de Notre Dame du Port”, avec cette précision d’Albéric Cahuet, auteur de l’article : “L’admirable dessin de José Simont nous rend sensibles et nous fait comme respirer l’atmosphère exaltante de cette basilique de l’espoir”. Le 31 août, c’est à “Billom, Une pittoresque cité d’Auvergne” que José Simont entraîne les lecteurs de L’Illustration, à travers 4 dessins : la grand place où arrive l’autocar, la maison des échevins, la rue des boucheries et la vieille église. Là encore, l’image d’une France éternelle, avec son histoire et ses traditions auxquelles le nouveau régime entend aussi se rattacher.

 

•“D’APRÈS NATURE”…

LE PORTRAIT DU MARÉCHAL…

• Toute cette production graphique montre que, par ses dessins, José Simont se situe dans l’air du temps : comme la plupart des collaborateurs de L’Illustration, il veut « croire » dans le chef de l’Etat Français. C’est d’ailleurs lui qui se retrouve  chargé de réaliser le portrait en couleur du maréchal Pétain posant en uniforme. Un portrait quasi officiel, pour lequel l’Illustration ouvre une souscription dans son numéro du 10 mai 1941. Auparavant, dès le 18  janvier, la parution en avait été annoncée en ces termes : “ Notre collaborateur bien connu et si apprécié de nos lecteurs, M. José Simont,  a fait, d’après nature à Vichy,  un portrait à la gouache du maréchal. C’est ce portrait que nos presses tireront en quadrichromie à un grand format (…). Le Maréchal y est représenté debout, un uniforme kaki, décoré  seulement, comme il a l’habitude, de la Médaille militaire”.  Imprimé en  quadrichromie et en grand format (67/44 cm), il est proposé au prix de 15 francs. En visite au stand de l’Illustration, à la Foire de Lyon, en octobre 1941, le chef de l’Etat français ne manquera pas de venir saluer l’équipe de l’hebdomadaire, après avoir admiré une série de dessins originaux de José Simont.
Portrait Pétain José Simont
Portrait du maréchal Pétain, chef de l’Etat Français réalisé par José Simont, “d’après nature”, en 1941
• Son ultime contribution traitant de Vichy et de l’État Français, on la trouve dans le numéro daté du 7 mars 1941. José Simont illustre par une série de 8 dessins dont 1 en double page,  un article de Paul-Émile Cadilhac, intitulé Vichy, capitale de la France”. On peut ainsi visiter les allées du pouvoir, découvrir “Le vestibule de l’hôtel du Parc” puis passer par “Le salon d’attente”, entrevoir “L’amiral Darlan dans son cabinet de travail”. Par l’image précise que donne José Simont, on peut se faire une idée de la façon dont se déroule  “Une audience du chef de l’état”, avant d’apercevoir  “ Le visiteur (qui) prend congé du maréchal”. Autres thèmes de ces dessins : “Une séance du conseil des ministres au Pavillon Sévigné”, la remise du “communiqué quotidien à la presse”. Enfin, “le soir”, on peut pousser les portes de l’hôtel des ambassadeurs  et  se glisser au milieu “ des personnalités diplomatiques” qui meublent l’image.

◘ L’EXIL LYONNAIS

(1940-1947)

• À partir de l’automne 1940, José Simont s’installe à Lyon où il va passer le reste de la guerre.  Malgré le retour à l’unique édition autorisée, celle de Paris publiée  sous la houlette de Jacques de Lesdain, l’hebdomadaire illustré a pu y  maintenir une petite  rédaction, après le retour de l’essentiel de ses équipes à Paris. Le projet mort – né de publier une édition lyonnaise, autonome par rapport à celle de Paris, a été brutalement interrompu par l’ambassade d’Allemagne. Le  “numéro lyonnais”,  daté du 21 septembre 1940 et  qui avait été imprimé sur place, a dû être  détruit. L’équipe restée à Lyon  est installée au 87 cours Gambetta, autour notamment de  Denis Baschet, fils de Louis Baschet, et d’Albéric Cahuet. Quant à Gaston Sorbets, le rédacteur en chef, il a  réintégré la rue Saint-Georges dès septembre 1940. Si José Simont poursuit sa collaboration avec L’Illustration, ses contributions se font de moins en moins nombreuses : 28 dessins en 1941, 16 en 1942, dont 8 dessins aquarellés et une composition sur double page, mais seulement 6 aquarelles en 1943 et 10 en 1944.
L'ILLUSTRATION LYON 1940
La rédaction et l’administration de L’Illustration à Lyon, au 87 cours Gambetta
• L’artiste délaisse progressivement  les questions d’actualité  politique et ses réalisations portent désormais sur des sujets patrimoniaux et/ou artistiques. Dès le 30 novembre 1940, il signe 12 illustrations accompagnant une étude de Jacques Sorbets, fils du rédacteur en chef de L’Illustration,  sur  “La soierie lyonnaise  dans le temps présent”. Retour à l’évocation de  Clermont-Ferrand, le 1er février 1941 avec une série de 5 dessins. Derrière le titre générique de l’article d’Albéric Cahuet, La France millénaire, se profile  une étude consacrée à “Montferrand et ses vieux logis”.  Il est probable qu’Albéric Cahuet ait envisagé de publier d’autres articles sur cette France millénaire.
• On retrouvera encore le duo Cahuet – Simont le 3 mai 1941. Cette fois-ci, les 8 dessins de José Simont se rattachent à un article à connotation littéraire intitulé “Parmi les pierres lyonnaises : Le crépuscule d’une héroïne romantique ou la seconde vie de Laurence (de “Jocelyn)”. Le 27 septembre, en s’appuyant sur 4 dessins de José Simont, Albéric Cahuet dévoile aux lecteurs l’existence d’un nouveau jeu, “Le Diamino”, proche parent du Domino.  Enfin, le 30 mai 1942, soit près de 4 mois après la disparition brutale d’Albéric Cahuet, survenue à sa table de travail, le 31 janvier 1942, L’Illustration publie un article posthume auquel sont jointes 8 aquarelles de José Simont : “ Un musée comme chez soi: Le musée des arts décoratifs de Lyon”.
• En 1943, les admirateurs de José Simont devront attendre jusqu’au  9 octobre, pour relever son unique production graphique de l’année dans L’Illustration : 6 aquarelles, dont 5 en couleur, ornant un article d’André Chagny sur “Septème, Carcassonne du Viennois”. Son ultime contribution figure dans le numéro daté du 12/19 février 1944. Il s’agit de  10 dessins aquarellés pour orner  l’article de Paul-Émile Cadilhac, intituléPromenades à travers Lyon : les servantes des pauvres malades ». Une série qui marque donc  la fin d’une collaboration avec le magazine qui aura duré de 1902 à 1944, avec une parenthèse américaine entre 1921 et 1932.
Portrait de Denis Baschet (1941)
Portrait de Denis Baschet  par José Simont exposé au Salon de Lyon (1941)
• Dans la capitale des Gaules, José Simont organise et/ou participe à des expositions, en même temps  qu’il réalise des portraits ou peint des paysages, saisis à Lyon même ou dans les environs. Il s’agit d’honorer des commandes qui lui permettent de vivre de son art, au fur et à mesure que ses collaborations à l’Illustration  se raréfient. Dans ce magazine  daté du 10 mai 1941, on peut lire à propos du Salon de peinture qui se tient  à Lyon, parallèlement à celui de Paris  : “José Simont, de qui notre public connaît depuis longtemps le grand talent d’illustrateur, présente  un magistral ensemble de portraits. C’est dans l’expression la vie même, toute la vie profonde et sensible. Les figures féminines prennent sous son crayon une grâce qui s’allie avec la vérité. Un portrait de jeune homme, M. Denis B… dans l’attitude familière est très admiré. Dans le pittoresque urbain, un étonnant coin de rue  témoigne que les aspects si particuliers du vieux Lyon ont conquis l’artiste”.  Ce que ne précise pas l’article, c’est que Denis B n’est autre que Denis Baschet, fils de Louis Baschet et petit-fils de René Baschet qui président aux destinées du magazine.
• Hors de L’Illustration, les critiques se montrent tout aussi unanimes, voire  dithyrambiques,  pour louer son talent. En juillet 1942, alors qu’il expose à la galerie des Jacobins, le critique artistique de la revue Comœdia écrit: “ José Simont réunit un ensemble fort intéressant qui reflète bien l’atmosphère lyonnaise. La perfection de ses  œuvres désarme le critique. À moins que l’on ne se prenne à reprocher à l’illustrateur scrupuleux de la vérité… cette totale perfection. Aussi bien dans ses portraits que dans ses paysages et ses intérieurs du musée des tissus ”.  Au printemps 1944, José Simont participe au 59ème Salon Lyonnais que le journal l’Action Française (18 mars 1944) présente ainsi: le salon  “ reste à Lyon ce qu’est à Paris le Salon des artistes français, sauf qu’il n’admet à peu près que des artistes de Lyon et de la contrée” (sic). Et le chroniqueur de préciser que “ parmi les meilleurs (…), on peut noter, de José Simont (des) dessins au crayon d’une science et d’un style rares”. Six mois  plus tôt, à l’occasion du Salon d’automne de Lyon, le même journal, dans son édition du 26 octobre 1943, avait déjà mis à l’honneur “ deux portraits, crayons noirs, discrètement rehaussés par Joseph (sic)  Simont (qui) sont des œuvres magistrales d’une fière élégance”. 
Simont Nue
Un autre tableau de José Simont, exposé à Lyon
•  Lorsque l’Occupation s’achève,  L’Illustration a déjà dû cesser sa publication, pour cause de collaboration avec l’ennemi. Le dernier numéro paru porte la date des 12-19 août 1944, mais sa diffusion est restée très limitée. L’interdiction de poursuivre sa publication est tombée dès le début du mois de septembre 1944, avec la mise sous séquestre de l’entreprise.  Son successeur, France Illustration dont le premier numéro sortira un an plus tard, ne le sollicitera pas. José Simont fait toutefois le choix de rester à Lyon, où il réside jusqu’en 1947. Il ne songe, pour l’heure, ni à regagner son Espagne natale, ni à retraverser l’Atlantique pour rejoindre son fils Marc Simont, qu’il a lui-même formé à l’art du dessin. Ce dernier, qui a obtenu la nationalité américaine, s’est fixé définitivement aux Etats-Unis et a publié ses premières illustrations dans des livres pour la jeunesse, dès 1939.

 

◘ RETOUR AU PAYS NATAL

(1947-1962)

En 1947, José Simont a dépassé les 70 ans, mais son esprit et sa capacité de création  sont toujours intacts. Les magazines illustrés, nés après la guerre, privilégiant tous  la photographie, il n’y a plus guère de place pour les dessinateurs. Dans les pages de  France-Illustration, qui a tenté à partir de 1946 de prendre la place laissée vacante par la disparition de L’Illustration, dessins et aquarelles ont quasiment disparu, à l’exception de quelques numéros spéciaux.  José Simont considère que plus rien ne le retient en France et il décide alors de retourner s’installer dans son  Espagne natale. Un retour qui n’est pas forcément facile car Il lui faudra d’abord se refaire un nom : la quasi totalité de sa carrière s’étant déroulée en France et aux Etats-Unis, l’artiste est peu connu du grand public espagnol.
José Simont (caricature publiée dans La vanguardia espanola, 17 novembre 1957)
José Simont (caricature publiée dans La Vanguardia espanola, 17 novembre 1957)
• Après avoir élu domicile dans sa ville natale, Barcelone,  il participe  dès  1951 à deux expositions, dont  la toute première se tient à  la Galerie Syra. Elles seront suivies d’une autre, mais cette fois-ci à Madrid, en 1960. Dans la capitale espagnole, il expose des tableaux à l’occasion du IIIè Salon national du dessin, organisé par le Groupement syndical des dessinateurs. En annonçant l’événement, le journal ABC précise, dans son édition du 9 janvier 1960:“ Le plus intéressant dans cette exposition, qui réunit plus de 180 œuvres des plus prestigieux dessinateurs, c’est sans aucun doute la présentation d’une douzaine d’œuvres du grand peintre José Simont, âgé aujourd’hui  de 84 ans”. Le journaliste précise toutefois que “ L’œuvre de Simont est assez peu connue en Espagne parce que la plus grande partie de sa vie d’artiste s’est déroulée à l’étranger”. On ajoute qu’il “a été couronné de succès en collaborant à d’importantes publications étrangères”.
SIMONT DEssin du port de Arenys
Le port de Arenys (non daté) © Simont
• Au début de  février 1960, alors que la salon tire à sa fin, José Simont se voit remettre les insignes de l’ordre d’Alphonse X le Sage, une des plus hautes distinctions hispaniques, qui lui a  été attribuée à l’initiative du ministère de l’éducation: “ L’Espagne récompense ainsi un homme qui, à 84 ans, continue toujours, dans la plénitude de ses moyens, à travailler comme à ses meilleurs moments”. À la même époque, le  journal La Vanguardia, salue en lui un véritable “artiste du crayon”.

 

◘ DERNIÈRES ANNÉES

AU VENEZUELA (1962-1968)

• L’âge venant, à la demande d’une de ses fille, Geneviève Simont, qui vivait à Caracas, il accepte de la rejoindre pour  s’installer en 1962 au Venezuela. C’est là qu’il passe  les dernières années de sa vie, en compagnie de son épouse, Dolorès Simont,  tout en rendant visite à son fils, le dessinateur Marc Simont (1915-2013)  qui résidait aux Etats-Unis.  Jusqu’à la fin de sa vie, il continuera à s’adonner au dessin, confiant en avril 1968 au journal ABC, que sans cela « il se considérerait comme mort ».  Une mort qui  finira par l’emporter le 19 novembre 1968, à l’âge de 93 ans. Si son décès est passé  totalement inaperçu en France, il n’en a pas été de même dans son pays natal, ni aux Etats-Unis, ou le New York Times lui a consacré un article d’hommage.
José Simont, à la fin de sa vie
José Simont, à la fin de sa vie (Journal ABC)
• Dans la brochure Josep Simont (1875-1968)” qu’il avait rédigée en 1990, à l’occasion de l’exposition organisée à la Galeria del Cisne, Josep M. Cadena écrivait en conclusion :“José Simont, qui était né avant l’invention du téléphone, du phonographe et du cinéma et qui avait vu les premières automobiles et les premiers avions, est mort un an seulement avant que l’homme ne se pose sur la lune. Il a couvert près d’un siècle et ses dessins sont un témoignage vivant d’une époque durant laquelle l’Europe vivait dans le respect de sa mémoire historique, tandis que les Etats-Unis commençaient à devenir une des nations les plus importantes du monde”. Une évolution que José Simont a su parfaitement restituer, entre son long séjour français et son bref séjour américain.
José Simont, un artiste actif jusqu’à la fin de sa vie
•Quant à Maria Francisca Mourier-Martinez, elle considère que « ce serait minimiser le travail prodigieux de José Simont en le présentant comme un simple illustrateur. Il a été aussi un véritable artiste dont l’œuvre vaste mériterait une longue étude, à la fois pour le réhabiliter et pour évaluer dignement son apport artistique”.
Jose Simont Vanguardia espanola 17 novembre 1957
Interview de José Simont publiée par le journal La Vanguardia espanola (17 novembre 1957
ABC SIMONT Obsèques (2)
Extrait du quotidien espagnol ABC
AVIS DECES SIMONT
La disparition de Don José Simont Guillén

José SIMONT NYT 21 NOV. 1968

José SIMONT NYT 21 NOV 1968 (2)
The New York Times (21 novembre 1968)

◘ LE TEMPS

DE L’OUBLI…

 
• Comme Louis Sabattier, Georges Scott, André Galland ou encore Géo Ham, José Simont aura marqué durablement de son empreinte les pages de L’Illustration. En Europe,  mais aussi aux Etats-Unis, Simont fut un des plus prestigieux  dessinateurs et illustrateurs pendant les quatre premières décennies du XXème siècle. Les familles royales, les chefs d’états, les hommes politiques les plus célèbres, les membres de la haute bourgeoisie, les vedettes  se sont plus à voir leur image  retranscrite  par le trait sûr de son crayon. Son style habile et fonctionnel, tout  empreint de précision dans la recherche du détail, en ont fait un des meilleurs représentants, à l’échelle internationale, des dessinateurs de presse. Pour les magazines qui l’ont employé, sa signature  garantissait une  haute qualité artistique dans la traduction par l’image des scènes qu’il savait capter ainsi que dans le mouvement de la vie qu’il savait donner à la silhouette humaine.  Ce faisant, il  participait aussi au prestige des publications auxquelles il collaborait.
• Par son talent, il a su témoigner des grands faits qu’il traduisait par l’image, en donnant à montrer des événements auxquels ne participait qu’une infime minorité des personnes, souvent les plus riches et la plus  influentes. Simont aura été, sans le savoir, un des derniers grands dessinateurs pour périodiques, obligé comme les autres   de céder la place progressivement à la photographie d’actualité. Privé du support de la presse qui avait fait sa renommée, on comprend que  le  grand dessinateur soit tombé dans un oubli injuste. Un oubli qui aurait pu être définitif, mais ce serait faire l’impasse sur tout un pan de sa carrière : au-delà du dessinateur, José Simont a été aussi un peintre et un portraitiste qui a laissé derrière lui une œuvre, elle aussi abondante et variée.

 

◘ LE TEMPS

DE LA REDÉCOUVERTE

• Depuis  un quart de siècle, son pays natal s’intéresse à nouveau  à lui, après les premiers hommages qui lui avaient été rendus  au tournant  des années 1950 – 1960. En 1990, la Galeria del Cisne, à Madrid, lui a consacré une exposition et, pour l’occasion  Josep Cadena a brièvement retracé sa carrière dans une plaquette illustrée, Josep Simont (1875-1968),  à laquelle ont été empruntés certains détails de cette notice. La même année, en juin, sa ville natale lui a, elle aussi, rendu hommage par une exposition à la salle d’art Artur Ramon .

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La presse catalane rend hommage à Josep (José) Simont (1er juillet 1990)

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L’exposition hommage à Barcelone (juin 1990)

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• Plus récemment, dans un ouvrage collectif consacré aux  Voyages et séjours d’Espagnols et d’Hispano-Américains en France, figure une étude  de Fr. Mourier-Martinez : José Simont Guillén : Batallas pintadas de la primera guerra mundial. (Publications de l’Université de Tours, Etudes hispaniques, Tours, 1982, 191 pages). Une approche intéressante de la période 1914-1918, une des plus riches pour José Simont.
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Catalogue de l’exposition de 1990
• Il existe une biographie de José Simont, mais qui privilégie elle aussi la Grande guerre.  Rédigée par Salvador Escala I Romeu, elle est  seulement disponible en catalan : El dibuixant Josep Simont i Guillén (1875-1968), reporter gràfic de la I Guerra Mundial. Un dibuixant d’actualitats a l’època de la naixent fotografia de reportage. (Le dessinateur José Simont Guillen, reporter graphique de la première guerre mondiale. Un dessinateur d’actualités à l’époque de la naissance de la photographie de reportage) (éditions Rafael Dalmau, Barcelona, 2002, 163  pages, illustrations).

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• Enfin, autre signe de cette redécouverte, on voit assez  fréquemment   des dessins ou des aquarelles  de José Simont réapparaître  lors de ventes aux enchères. Les originaux proposés attirent régulièrement les amateurs pour des cotes qui varient entre  quelques centaines et  quelques milliers d’€. Le 21 novembre 2005,  Artcurial a ainsi proposé une série d’œuvres extraites des Trésors de l’Illustration, soit en tout 211 articles. Au milieux des originaux de Georges Scott, d’André Galland ou de Louis Sabattier, figuraient 13 œuvres de José Simont. Quant aux estimations de prix, elles se situaient, à l’époque, dans une fourchette comprise entre 800 et 3000 €.
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Biographie de Josep Simont rédigée en catalan par  Josep Cadena, à l’occasion de l’exposition de 1990
• Ajoutons, pour terminer que la tradition artistique familiale  s’est poursuivie avec son fils, Marc Simont, lui aussi illustrateur notamment de très nombreux livres pour la jeunesse.

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Marc Simont rappelle tout ce qu’il doit à son père dans sa formation (5 juillet 1990)

• Né à Paris, le 23 novembre 1915, il s’est établi définitivement aux Etats-Unis en 1934, sur les conseils de son père qui avait été aussi son premier “professeur”. Il est décédé le 13 juillet 2013, à son domicile de Cornwall (Connecticut), à l’âge de 97 ans et, à cette occasion, plusieurs journaux américains lui ont rendu hommage. Pour l’ensemble de sa carrière, comme son père, il avait reçu plusieurs distinctions.
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Marc Simont (1915-2013)© Los Angeles Times
 ► Pour accéder à la première partie de l’article:
José Simont: les années 1875-1918

 

JOSÉ SIMONT

1875-1968

POINTS DE REPÈRES…

30 septembre 1875  : naissance à Barcelone.

1898 : installation à Paris.

1898-1902 : dessine pour Le Noël et Le Monde illustré et illustre des romans pour La Bonne Presse

jose-simont.1290232539.jpg1902 : recruté par Lucien Marc, directeur de L’Illustration.

1902-1921 : collabore à L’Illustration.

1921-1932 : « Parenthèse américaine » : installation à New York et  collaboration à la revue Collier’s.

1932-1944 : retour en France. Redevient un des principaux dessinateurs de L’Illustration.

1940-1944 : installation  à Lyon, avec une partie de la rédaction de L’Illustration.Josep_Simont_Guillén2

1947 : retour dans son pays natal et installation à Barcelone.

1951 et 1958 : Premières expositions de ses oeuvres à Barcelone et à Madrid.

1962 : installation au Venezuela, auprès de sa fille.

19 novembre 1968 : Décès à Caracas (Venezuela) à l’âge de 93 ans.

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